Moralités Légendaires de Jules Laforgue
Publié par Aphonsine aux alentours de dimanche, juin 29, 2008{Billet Express}
C'est tout moi, ça : j'annonce un ralentissement-pause du blog et, le lendemain, je publie une note de lecture, ce n'est pas très logique. Mais je suis comme ça, moi : j'aime que les perspectives soient ouvertes, et j'apprécie parfois les contradictions. Je viens donc tuer un peu le propos de la précédente note pour vous dire quelques mots sur un bonhomme que j'aime bien : en effet, je viens de terminer les Moralités Légendaires de Jules Laforgue. Eh oui, encore lui, ce privilégié qui a eu le droit de figurer deux fois en poème du mois, respectivement ici et ici. Qu'en est-il alors, de ce recueil ?
Moralités Légendaires est composé de six textes courts, des "nouvelles qui ne sont ni du Villiers ni du Maupassant"selon le mot de l'auteur, presque autant de variations (très) libres autour de grands mythes occidentaux. De Salomé à Hamlet, Laforgue jongle avec d'immenses figures sans se départir un instant de sa désinvolture et de son ironie. En effet, ces fables qui paraissent pourtant bien insouciantes sont toutes traversées d'une ironie et d'un humour assez grinçants : cascades d'anachronismes, ridicules divers, décalages de ton habilement ménagés, l'auteur ne lésine pas sur les moyens. A l'époque où Laforgue écrit, la mode est à la parodie et les artistes se plaisent à maltraiter la mythologie ; sa démarche n'est donc pas vraiment novatrice. Mais il a une façon de le faire tout à fait plaisante : ces fables sont en effet imprégnées de légèreté et de poésie. D'une certaine mélancolie mais chez notre poète exclamatif, elle est toujours discrète, présente mais toujours à demi-mots, se cachant habilement derrière les rires. Ces illustres personnages resemblent à de grandes marionnettes un peu débiles, et on est amené à sourire de leur présomption, de leurs échecs, de leur faiblesse : Laforgue alors riait de lui-même, en prêtant à ses pantins des aspirations, des goûts et des jugements qui lui sont propres. Funambulesque. C'est au final un singulier objet littéraire que ces Moralités Légendaires qui, sous couvert de n'importe quoi, permettent d'entrer dans cet univers particulier aux divinités lunaires et aux clowns grimaçants, suscitant au final de vraies questions, entre deux invraisemblances. Une bien belle découverte !
"Puis des intermèdes d'horizontaux cyclones de fleurs électrisées, une trombe horizontale de bouquets hors d'eux-mêmes ! ...
Puis des clowns musiciens portant au cœur la manivelle de réels orgues de Barbari qu'ils tournaient avec des airs de Messies qui ne se laisseront pas influencer et iront jusqu'au bout de leur apostolat.
Et trois autres clowns jouèrent l'Idée, la Volonté, l'Inconscient. L'idée bavardait sur tout, la Volonté donnait de la tête contre les décors, et l'Inconscient faisant de grands gestes mystérieux comme un qui en sait au fond plus qu'il n'en peut dire encore. Cette trinité avait d'ailleurs un seul et même refrain :
Elle obtint un succès de fou rire."
Moralités Légendaires est composé de six textes courts, des "nouvelles qui ne sont ni du Villiers ni du Maupassant"selon le mot de l'auteur, presque autant de variations (très) libres autour de grands mythes occidentaux. De Salomé à Hamlet, Laforgue jongle avec d'immenses figures sans se départir un instant de sa désinvolture et de son ironie. En effet, ces fables qui paraissent pourtant bien insouciantes sont toutes traversées d'une ironie et d'un humour assez grinçants : cascades d'anachronismes, ridicules divers, décalages de ton habilement ménagés, l'auteur ne lésine pas sur les moyens. A l'époque où Laforgue écrit, la mode est à la parodie et les artistes se plaisent à maltraiter la mythologie ; sa démarche n'est donc pas vraiment novatrice. Mais il a une façon de le faire tout à fait plaisante : ces fables sont en effet imprégnées de légèreté et de poésie. D'une certaine mélancolie mais chez notre poète exclamatif, elle est toujours discrète, présente mais toujours à demi-mots, se cachant habilement derrière les rires. Ces illustres personnages resemblent à de grandes marionnettes un peu débiles, et on est amené à sourire de leur présomption, de leurs échecs, de leur faiblesse : Laforgue alors riait de lui-même, en prêtant à ses pantins des aspirations, des goûts et des jugements qui lui sont propres. Funambulesque. C'est au final un singulier objet littéraire que ces Moralités Légendaires qui, sous couvert de n'importe quoi, permettent d'entrer dans cet univers particulier aux divinités lunaires et aux clowns grimaçants, suscitant au final de vraies questions, entre deux invraisemblances. Une bien belle découverte !
"Puis des intermèdes d'horizontaux cyclones de fleurs électrisées, une trombe horizontale de bouquets hors d'eux-mêmes ! ...
Puis des clowns musiciens portant au cœur la manivelle de réels orgues de Barbari qu'ils tournaient avec des airs de Messies qui ne se laisseront pas influencer et iront jusqu'au bout de leur apostolat.
Et trois autres clowns jouèrent l'Idée, la Volonté, l'Inconscient. L'idée bavardait sur tout, la Volonté donnait de la tête contre les décors, et l'Inconscient faisant de grands gestes mystérieux comme un qui en sait au fond plus qu'il n'en peut dire encore. Cette trinité avait d'ailleurs un seul et même refrain :
O Chanaan,
Du bon néant !
Néant, la Mecque
Des Bibliothèques !
Du bon néant !
Néant, la Mecque
Des Bibliothèques !
Elle obtint un succès de fou rire."
Laforgue, Salomé
Image : Lévy-Dhurmer, Salomé embrassant la tête de St Jean Baptiste
Musique : The Smashing Pumpkins - Pug
Image : Lévy-Dhurmer, Salomé embrassant la tête de St Jean Baptiste
Musique : The Smashing Pumpkins - Pug
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Je viens de noter ce titre après avoir lu ton billet. Je ne connais pas l'auteur mais le résumé et ton avis sont bien tentateurs. Marier la mythologie à l'humour grinçant et tout çà dans un recueil, il fallait oser.
Anonyme a dit…
jeudi, 10 juillet, 2008