Lectures et Habitudes

Encore un Tag qui circule de blogs en blogs ces temps-ci. Simplement cette fois-ci je n'ai même pas été taguée, ou alors je me suis auto-taguée. Eh oui, je suis comme ça, moi. Je crois que j'avais juste envie de répondre brièvement à ces petites questions !


  • Où et quand ?
Partout, tout le temps ! Je garde tout de même une petite préférence pour le soir, à plat ventre dans mon lit, enroulée dans les couvertures, et la fenêtre ouverte s'il fait beau. J'aime également passer des après-midi lecture, seule ou en compagnie de mon ami - il est agréable de partager en direct ses impressions de lecture ! J'aime également lire dans le train - alors qu'en voiture, c'est parfaitement impossible.En général, je préfère un endroit calme car j'ai beaucoup de mal à lire dans le bruit, mais le silence est parfois un luxe dont il faut bien se passer ...

  • Comment je choisis mes lectures ?
Oh il y a plusieurs façons ! Parfois c'est juste parce que la couverture m'aura attirée : je suis très sensible aux couvertures épurées présentant des tableaux, j'ai par exemple une préférence marquée pour les Folio Classique, que je ne peux m'empêcher de trouver très jolis ! Sinon, c'est selon les affinités entre les auteurs, par les thèmes que les livres mettent en avant. Je pioche également des idées dans les forums et blogs de littérature, ainsi que dans mes cours à la fac.

  • Quel style de lecture ?
Essentiellement des romans et parmi eux beaucoup de littérature classique. J'aime aussi de temps à autre feuilleter en dilettante un recueil de poésies ou découvrir une pièce de théâtre. Je lis également des essais et livres d'histoire, mais c'est beaucoup plus rare.

  • Qu'est-ce que j'attends de mes lectures ?
Alors là, beaucoup de choses ... Je suis assez exigeante dans mes choix de lectures et cela explique en grande partie le fait que je n'ose pas souvent me risquer du côté de la littérature contemporaine. Je cherche, quand je prends un livre, certes à me divertir et à m'évader, à me créer un nouveau monde et stimuler mon imagination, mais j'y cherche également comme un point de départ à ma réflexion personnelle et à mon sens critique. En général quand je lis un roman, je me laisse emporter, mais je fais tout de même attention aux procédés d'écriture, à certaines qualités ou à certains défauts de l'ouvrage. Ce qui ne m'empêche pas de suivre tout à fait la marche de l'intrigue et de me prendre au jeu : je dois être une des seules lectrices de 2008 qui ait frissonné à certains passages des Mystères d'Udolphe ! Ainsi mon attente est double : quand je lis, je recherche le rêve, la beauté, l'évasion, mais également un petit quelque chose en plus, une richesse dans l'écriture et dans la pensée.

  • Mes petites manies ?
Déjà, j'aime beaucoup toucher, feuilleter les livres, avoir un contact avec eux. J'ai parfois le réflexe de noter de petites phrases que j'aime, des pages, des idées de lecture dans un petit carnet noir que je garde -rarement- avec moi et que j'oublie souvent - toujours.
Sinon, comme je l'ai déjà dit, je suis très sensible au choix de l'édition quand il s'agit d'acquérir une œuvre et mon choix se porte presque toujours sur les Folio. (Promis je n'ai aucune action chez Gallimard, mais je dois représenter une grosse part de leur chiffre d'affaire à moi toute seule). J'ai du mal à lire les livres de bibliothèques, car ils ne sont pas à moi et que par conséquent, je ne peux gribouiller dessus. Je n'abime jamais les livres, mais ai pris l'habitude de souligner ou annoter au crayon gris les passages qui me semblent intéressants ; c'est aussi une façon de retenir les choses. On pourrait dire enfin que je collectionne les marque-pages, non pas consciemment mais parce que je les perds toujours : en réalité, je les oublie dans les livres que j'ai terminés et que je range - ou pas - dans ma bibliothèque. Du coup, j'en pioche toujours de nouveaux à la fac, j'en achète souvent, et pourtant j'arrive toujours à être en panne et à recourir à des marque-pages de fortune !


Voilà voilà, à présent que j'ai ce Tag sous la main, je me permettrais de le proposer à trois voisins de la blogosphère - qui n'ont d'ailleurs pas à se sentir obligés si cela ne les enthousiasme pas, à savoir Aelys, Madame Charlotte et Antisthène Ocyrhoé.

Ouvrage reçu dans le cadre du Swap Ciné-Livres, ce roman m'a tenue en haleine très exactement deux jours : autant dire que je l'ai dévoré !

Révélée au Tout-Paris par une fantaisie mythologique du théâtre des Variétés, Nana commence à faire son chemin dans la haute société du second Empire, enflammant les désirs et déchaînant les passions. Après elle, tous les lambeaux pourrissants d'une vieille société qui se meurt. Le personnage de cette jeune femme est représenté dans toute sa richesse, avec ses ambitions et ses emportements, ses calculs et ses contradictions. Fille des bas-fonds, elle semble mue par une véritable rage de destruction une fois parvenue aux plus hauts rangs de l'échelon social. Elle se plaît à casser tout ce qui peut passer entre ses mains blanches, brisant les hommes comme de simples sucriers de porcelaine. Pourtant, Zola ne cesse de l'affubler du qualificatif de "bonne fille" et nous répète souvent qu'elle n'est pas fondamentalement méchante. Nana est finalement comparée à une mouche d'or : "mouche de soleil, enveloppée d'ordure". C’est clinquant et triste, cette histoire de jeune fille qui, inconsciemment, se jette avec fureur dans ce beau monde auquel elle n’appartient pas et le pourrit, sans même le faire exprès, en criant son innocence.

Par son histoire et celle des personnages alentours - hommes qui la poursuivent et autres filles du milieu, Zola nous donne à voir une décadence en marche, la ruine d'une société dont les pilliers sont depuis longtemps vermoulus. Dans un long flot de descriptions étudiées, de dialogues truculents où la distinction côtoie le vulgaire, l’auteur fait se frôler deux mondes que tout oppose : une vieille élite mourante, figée et dévote face à un peuple de petits artistes et de courtisanes qui s’échelonne du plus bas souillon à la cocotte de luxe. Et finalement, ce que l'on tire de tout cela, c'est que sous les masques court le même relent de pourriture, des plus vils quartiers aux grands hôtels particuliers. Etrangement, j'ai songé au Journal d'une femme de chambre, en lisant certaines considérations, certaines expressions de la part de Nana et des autres courtisanes : dans le roman apparaît fréquemment l'idée que le vice n'est pas l'apanage des bas milieux et que les riches, sous leur visage respectable, sont généralement bien plus pervers qui quiconque. "Les scènes changent ; les décors se transforment ; vous traversez des milieux sociaux différents et ennemis ; et les passions restent les mêmes, les mêmes appétits demeurent." disait Célestine dans le roman d'Octave Mirbeau. La sensualité et l'érotisme de Nana l'ont d'ailleurs fait passer aux yeux de nombreux lecteurs, pour un roman pornographique, ce qui sera également le cas pour Le journal d'une femme de chambre. Bien sûr, le rapprochement s'arrête là, Zola et Mirbeau n'ayant pas du tout la même chose à nous dire à travers leurs écrits et pas du tout la même façon de le faire ; cependant je n'ai pu m'empêcher de faire le parallèle durant ma lecture.

Il y a tout de même quelque chose qui, personnellement, m'a un peu gênée tandis que je suivais la trajectoire - pour le moins chaotique- de Nana : c'est la signification que Zola veut lui donner. En effet, on sent les théories naturalistes arriver de très loin pour expliquer l'énergie destructrice mais inconsciente de cette jeune femme. La théorie du Roman expérimental est élaborée alors que Zola est en pleine écriture de Nana : les deux ouvrages paraissent la même année, en 1880. Aussi sent-on assez fortement une volonté didactique et moralisatrice de la part de l'auteur, non pas dans la trame même du roman, à laquelle on se laisse prendre assez facilement, mais dans l'explication du comportement des protagonistes, plus ou moins explicitement. Dans l'article que Fauchery consacre à Nana, il la compare à une "mouche d'or": "une fille, née de quatre ou cinq générations d’ivrognes, le sang gâté par une longue hérédité de misère et de boisson, qui se transformait chez elle en un détraquement nerveux de son sexe de femme. [...] Avec elle, la pourriture qu’on laissait fermenter dans le peuple, remontait et pourrissait l’aristocratie." Le narrateur ne dit franchement rien mais, quelques chapitres plus loin, la comparaison est reprise, cette fois-ci à son compte.

Cela étant, Nana demeure un roman très intéressant, soigneusement documenté et agréable écrit, assez vivant malgré la rigidité du cadre naturaliste. Les dernières pages du livre où l'héroïne s'est éteinte alors que résonnent dans les rues les cris "A Berlin !" est très forte, on sort de cette lecture comme d'une longue apnée, éprouvé, essoufflé. Un véritable foisonnement romanesque qui vous laisse un peu assommé et les idées floues. Ce qui frappe alors, c'est la force des images que Zola emploie, pour nous décrire la beauté factice et brillante des apparences comme la pourriture des corps et de la société de 1870.
Je terminerai cette note par des mots autres que les miens, en citant les propos élogieux de deux contemporains de Zola : Huysmans dit sortir de cette lecture "ébouriffé" et qualifie Nana en ces termes : "Le beau livre, et le livre neuf, absolument neuf dans votre série et dans tout ce qu'on a jusqu'à ce jour écrit." Flaubert, quant à lui, est dithyrambique : "J'ai passé hier toute la journée jusqu'à 11 heures et demie du soir à lire Nana, je n'en ai pas dormi de la nuit et 'j'en demeure stupide'. S'il fallait noter tout ce qu'il y a de rare et de fort, je ferais un commentaire à toutes les pages ! Les caractères sont merveilleux de vérité. Les mots natures foisonnent ; à la fin la mort de Nana est michelangelesque ! Un livre énorme, mon bon* !"

* Spéciale dédicace à A.O

Image : Postcardstock on Deviantart


[J] Henri James, Daisy Miller

(Cette note révèle des éléments de l'intrigue ainsi que la chute de la nouvelle - par ailleurs déjà annoncée dans le résumé de quatrième-de-couverture.)


Avec cette nouvelle, voilà que je découvre une autre facette de l'auteur du Tour d'écrou, nouvelle qui m'avait beaucoup enthousiasmée. Intriguée par un petit Folio 2 euros, je me suis finalement laissée tenter : j'ai rapidement lu cette nouvelle, voilà deux jours. A travers les yeux d'un jeune homme habitué au vieux monde, nous découvrons l'évolution d'une jeune américaine un peu fantasque dans la haute société européenne engoncée dans ses préjugés. Winterburne, ce jeune homme lui aussi d'origine américaine, ne peut s'empêcher d'être attiré par cette demoiselle qui surgit un beau jour dans le parc d'un hôtel suisse. Son regard franc, son rire, son mépris - ou son ignorance - des convenances le fascine, lui qui s'est tant habitué aux codes de la vieille Europe. Presque persuadé de sa propre liberté, il s'imagine mener ce qu'il appelle un "flirt américain", suivant et accompagnant Daisy Miller en sortie, en tête à tête, malgré le refus de sa tante et protectrice d'être présentée à la nouvelle venue. Sa famille, par ailleurs, semble un peu perdue parmi la société, avec un petit-frère dissipé et incontrôlable et une mère à la fois effacée et confiante en sa fille.

Les deux jeunes gens se retrouvent finalement en Italie, où la demoiselle, faisant fi des convenances, se flanque d'un Italien peu recommandable et court de par le monde, sans prêter attention, semble-t-il, à tous les "on-dit" qui commencent à circuler. Finalement, le sujet n'est pas particulièrement révolutionnaire et Henri James nous conte l'éternel combat entre une jeunesse ingénue et folâtre et une société rigide corsetée dans ses préjugés. Ce qui est le plus intéressant dans cette nouvelle, c'est le glissement qui s'opère lentement dans l'esprit de Winterburne, l'évolution du regard qu'il porte sur cette jeune fille. Lui-même, au début, jouait à n'être pas sage en menant Daisy en visite dans un château Suisse, mais au fur et à mesure de la nouvelle, il doute de plus en plus de son innocence et de sa bonne foi. Si bien qu'il en vient de plus en plus à la mépriser à son tour et à s'éloigner d'elle. On ne nous précise d'ailleurs pas si cela découle d'un soudain amour pour la vertu ou de la déception d'être dédaigné par une aussi séduisante personne ... Alors cette jeune fille qui le fascinait tant, par sa prétendue inconduite, finit par lui apparaître comme la dernière des "garces" -le mot est dans le texte.

C'est à ce moment-là que Daisy Miller tombe gravement malade, d'avoir voulu contempler le Colisée sous la lumière d'une pleine lune, en dépit du climat malsain de la nuit romaine. Son suivant-coureur de dot l'y avait suivie, déclarant ensuite, tout naturellement, qu'il avait laissé faire puisque lui-même ne risquait rien. Souffrante, Daisy Miller meurt dans la plus complète solitude, souhaitant par un dernier geste signifier à Winterburne qu'il s'était trompé sur son compte. A son enterrement, le jeune homme apprend qu'il n'existait pas plus innocent que cette folle demoiselle. Il y a finalement quelque chose de poignant dans ce personnage de Daisy Miller qui, maladroitement, se libère des codes sociaux parce qu'ils l'ennuient ou parce qu'elle les ignore, s'attirant par là les foudres de toute la bonne société. Après coup, la jeune fille apparait juste excessivement seule, blessée par les critiques et marques de mépris ouvertement affichées et désireuse de conserver un peu de l'estime de ce premier - et dernier - ami qui lui avait déjà tourné le dos depuis longtemps.

Image : Portrait de Berthe Morisot par Manet

[F] Salammbô de Flaubert

On ne peut manquer d'être un peu décontenancé par le roman de Flaubert intitulé Salammbô. Après tout, on nous a toujours dit, d'un ton parfaitement didactique, que Gustave Flaubert était un grand écrivain réaliste et qu'il avait écrit Madame Bovary ou encore L'éducation sentimentale. A cela s'ajoute une mention au mythe du gueuloir, et souvent cela s'arrête là. Cette œuvre d'un tout autre genre existe, pourtant. Elle nous conte l'histoire de l'antique Carthage, à l'époque des guerres puniques. Les mercenaires employés pour combattre Rome réclament leur solde et un conflit sans merci s'engage entre ces troupes de guerriers nomades et l'antique cité. Au centre, Mathô, chef des mercenaires lybiens et la fille d'Hamilcar, Salammbô.

Carthaginoiserie ou chef d'œuvre ? La critique contemporaine s'est divisée ; aujourd'hui encore, on hésite face à ce roman si difficile à caser dans un tiroir. Pour l'écrire, Flaubert s'est particulièrement bien documenté, se basant sur de grands noms de l'histoire gréco-latine : Pline l'Ancien, Polybe, Xénophon ou encore Plutarque. Par ailleurs, le style de Flaubert semble très proche de la syntaxe latine, reflétant une conception de l'histoire et une langue d'un autre temps, friande d'énumérations, de brefs commentaires et d'analyses. Froidement, il décortique les évènements et les caractères de ses personnages, nous permettant d'approcher cette civilisation inconnue tout en maintenant une distance infranchissable entre elle et nous. L'atmosphère de Salammbô est véritablement troublante, reflétant l'image d'une civilisation détruite et oubliée, d'un monde empli de religiosité et de mysticisme. L'atout de cet étrange roman, c'est sa puissance d'évocation : Flaubert nous met devant les yeux un spectacle chatoyant et incompréhensible, beau et terrible à la fois. Certaines scènes sont particulièrement fortes, à l'image de ces mouvements de foule, empreints de frénésie, dans un élan à la fois violent et sensuel.

Poirson, gravure (1890) :

Il m'est assez difficile d'en parler plus précisément car, en plus d'être assez lointaine, cette lecture m'a assez fortement déstabilisée. J'ai été heureuse de découvrir un Flaubert que je ne connaissais pas encore, à travers cette drôle d'histoire folle et exotique. Pour clore ce billet, je propose ici quelques mises en image de Salammbô, cherchant par là à illustrer cette masse indistincte d'impressions qui me reviennent à la pensée de cet étrange roman.


Gaston Bussière, Salammbô


Théodore Rivière, Salammbo and Matho, I love you! I love you! (1895)
(La première illustration de cet article en est un détail)


Lobel Riche, Salammbô (1935)

Après la révélation du roman A rebours, voilà quelques mois, je me suis promis de réitérer l'expérience Huysmans et c'est tombé en premier lieu, presque par hasard sur En rade. Les premiers mots de la quatrième de couverture ne me tentaient pas particulièrement, il était tout de même question de "solitude lyrique", ou encore de "retour à la bonne nature généreuse et consolatrice". Cela me semblait bien loin de ce que j'avais découvert avec Des Esseintes, ce dégoût profond de la vie et des hommes, cette folie évocatrice proche du rêve, ce pessimisme radical face au monde comme il va. Et alors, renversement de situation : la vie à la campagne est un enfer, toute tentative de retour aux sources, de fuite des problèmes et des tensions est un échec. En rade nous conte la simple histoire d'un couple de parisiens, plus ou moins bourgeois, qui va se réfugier quelques temps à la campagne après avoir été ruiné. Ils se rendent tous deux chez des cousins paysans et s'installent dans un château en semi-ruine qui oscille indistinctement entre pourriture et effondrement. "On crève d'angoisse, de dégoût et d'ennui dans ce croulant château de Lourps, où l'on avait espéré trouver un refuge", pour reprendre la formule de Léon Bloy quand il commente ce roman qui suit directement A rebours.



Au cours de ce séjour qui se mue peu à peu en véritable cauchemar, Huysmans en profite pour nous livrer une peinture particulièrement noire du monde paysan, piétinant rageusement tout le vieux fond romantique de l'évocation de la vie à la campagne. Il sacrifie à un bon nombre de passages obligés - les labours, la moisson, la saillie et le vêlage - mais pour y faire infuser cette impression de désillusion et de dégoût qui plane tout le long du livre. Cela, un mois avant que Zola ne publie La terre. Bien loin des pirouettes romanesques et des incroyables facilités de scénario, il ne se passe pas grande chose, chez Huysmans. Demeure ce malaise constant, cet impossible dialogue avec les autres, ce mépris pour ce qui apparaît comme une masse patibulaire et dénaturée. La violence, s'il y en a une, n'est que symbolique ou rêvée. Au rythme de la saison, les paysans mènent leur vie tranquillement, tandis que Jacques Marles dépérit.

Que reste-t-il, alors, pour ne pas sombrer ? Pas encore la religion : les Eglises d'En rade sont des ruines aussi branlantes que le château de Lourps, comme cette chapelle presqu'à ciel ouvert où un prêtre officie quand même de temps à autre et où les statues religieuses sont couvertes d'immondices et de fientes d'oiseaux. Certainement pas l'amour : le couple, acculé dans la seule pièce vivable d'un château en pleine pourriture, souffre de sa cohabitation imposée. L'un à l'autre, Jacques et Louise font l'expérience de leur insuffisance réciproque et découvrent l'autre sous l'éclairage le moins favorable qu'il soit. Alors, chacun de son côté rêve à ce qu'il ferait si jamais ... Mais non, c'est absolument immoral, rêver de sa liberté, c'est désirer le décès de l'autre ! Alors tous deux se regardent dans la culpabilité, s'embrassent, et se détournent pour tenter de trouver le sommeil. En rade est le roman de l'impossible liberté. Non pas qu'elle le soit véritablement, mais les personnages sont incapables de la retrouver par eux-mêmes. Jacques Marles songe, un peu malgré lui, où il pourrait s'installer une fois revenu à Paris, une fois que Louise serait emportée par sa maladie de nerfs. Il voit alors un petit appartement, qu'il meublerait d'étagères et de livres,peut-être pourrait-il prendre une maîtresse, et ... Il est déjà trop tard, et le piège s'est déjà refermé. Le protagoniste dont nous suivons le fil de la pensée rouvre les yeux, sent sa compagne remuer à côté de lui, et oublie ce temps utopique qui contient déjà les éléments d'une future captivité.



Alors Jacques rêve d'artifices, de formes, de gemmes, de voyages inouïs et de tours infernales. Trois escales oniriques ponctuent En rade et on ne peut manquer d'être étonné de la puissance créatrice qu'a déployé Huysmans pour ces trois chapitres. A la fois souffles et étouffement, ils présentent la fuite - presqu'impossible - vers un ailleurs, vers autre chose que cette campagne dégoûtante et cette ville médiocre.

A le lecture de ce roman volontairement étouffant, l'écriture de Huysmans apparaît dans toute sa particularité : riche d'évocation, usant et abusant d'un vocabulaire inusité, elle dissèque consciencieusement un esprit malade, un homme qui se débat pour ne pas s'engluer totalement dans un réel visqueux et répugnant. Après A rebours, En rade explore à nouveau ce mal-être profond face au monde ... Huysmans réussit à nous y faire voir un large dégradé de couleurs et d'atmosphères, entre la beauté folle du rêve et laideur nauséabonde de la réalité.

Pour ceux que ça intéresse, je vous recommande la lecture de cet article écrit par Léon Bloy. Je l'ai lu de bout en bout après avoir réfléchi un peu sur ma lecture et après avoir découvert la préface de mon édition qui est par ailleurs très intéressante et agréablement écrite.

Libération ... ?

J-7

Et j'arrêterai les horloges,
dormirai tout mon saoul chaque matin
Ferai tout
Et n'importe quoi ...
Je prendrai la plume, le pinceau,
Comme bon me semblera,
Et je lirai, feuillèterai, sans programme,
En dilettante.

Je me gorgerai de mots
Gratuitement et en toute futilité.
Pour moi et rien que pour moi.

Pêchés mignons ...

Petite note détente, je me prête volontiers à un nouveau tag qui circule ... Je l'ai trouvé sur le blog d'Aelys. Mais cette fois-ci, les réponses sont en images !

Un animal :
(J'ai longuement hésité, pensant choisir un chat ou un loup ... Mais pour désigner un animal "qui me correspondrait le plus", j'ai finalement choisi un petit oiseau, pour sa sautillante fragilité.)


Une couleur :

(Un contraste ... Noir et blanc peut-être)


Une boisson matinale :


(Un bon jus d'orange !)


Une gourmandise:


(La réglisse anglaise *_*)



Un objet :



(Un carnet Moleskine où noter ses citations favorites et -qui sait- de futurs scénarios !)



Une destination :(La campagne, tout simplement)

Je ne sais pas qui désigner perfidement pour continuer le test ... Je rajouterai sans doute les noms plus tard, quand l'idée me viendra. En attendant, je retourne réviser pour ces derniers jours d'examens. Courage, plus que quelques épreuves,et lundi, je serai libre !

A bonne en tender, salut !*

* ""Lorsque tu verras une bonne
D'enfants, et non autre personne,
Assise au milieu d'un tender
Ou wagon de chemin de fer,
Découvres-toi sur son passage,
Salut à son noble visage !
Moralité
A bonne en tender, salut. "
Alphonse Allais, Fables de Joinville

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