« A M…, ville importante de Haute-Italie, la marquise d’O…, dame d’excellente réputation, veuve et mère de plusieurs enfants, fit savoir par la presse qu’elle était, sans savoir comment, dans l’attente d’un heureux événement, que le père de l’enfant qu’elle allait mettre au monde devait se faire connaître, et que, pour des considérations d’ordre familial, elle était décidée à l’épouser."

Ce sont les premiers mots de cette nouvelle de Kleist, entrée pour le moins surprenante. J'ai commencé cette courte nouvelle hier dans le train et l'ai terminée le soir-même. A présent, je tente de réfléchir un peu à cet étrange texte, car je puis dire qu'il m'a assez déconcertée ... Je me contenterai pour cette fois d'un billet assez court.
Par une écriture froide, désintéressée, presque distraite, Kleist nous raconte une drôle d'histoire qui est celle de la grossesse inexpliquée de la marquise, et les drames qui s'ensuivent : rumeurs, rejet de la part de la famille, honte, incompréhension de la jeune femme. Le récit est court et émaillé d'actions, il poursuit son cours inexorablement sans jamais s'arrêter un instant, dans une certaine tension qui ne se relâche qu'à la toute fin. Rétrospectivement, la vérité apparaît dès le début, dans les déclarations du personnage fautif, son comportement mais sur l'instant, tout semble juste mystérieux et incompréhensible. De par sa structure, cette nouvelle m'a plutôt fait penser à une pièce de théâtre : on plante le décor, on décrit les attitudes des protagonistes, on ajoute du dialogue. Tension, opposition, coup de théâtre et on change de scène. Il est intéressant de voir cette excessive froideur de l'auteur, cette langue tranchante qui raconte pourtant un véritable drame pour la marquise et sa famille. Le côté tragique de la situation parvient en effet à ressortir à travers cette écriture énergique et détachée où le narrateur est absent. C'est donc un récit assez surprenant qui me semble un peu à part, très dramatique dans sa construction. Je ne voudrais pas dire d'énormité et cela n'est qu'un jugement tout à fait subjectif, ce texte m'a un peu fait penser à certaines nouvelles de Stendhal, mais je n'ai pas grand chose à dire pour justifier cette idée, ce n'est qu'une impression de ma part. Finalement, je suis assez curieuse de découvrir d'autres œuvres de cet auteur car je sens qu'à la lecture d'une seule nouvelle - et si courte -, il est difficile de se faire une idée, et j'aimerais comprendre davantage où le bonhomme veut en venir. Je me tournerai peut-être vers une de ses pièces de théâtre et vers d'autres nouvelles.


{Cette note cite des extraits du livre et révèle peut-être, par ces citations et ses propos généraux, certains éléments de l'intrigue.}

Ce livre de Choderlos de Laclos est devenu un grand nom de la littéraire française et a eu une postérité très riche : influences diverses, adaptations filmées, pièces de théâtre, ... Etrange destin que celui de cette œuvre littéraire, considérée comme le chef d'œuvre de son auteur en dépit de ses autres écrits qui ont bien moins marqué l'histoire littéraire.

"Sans doute, vous ne nierez pas ces vérités que leur évidence a rendues triviales. Si cependant vous m'avez vue, disposant des évènements et des opinions, faire de ces hommes si redoutables le jouet de mes caprices ou de mes fantaisies ; ôter aux uns la volonté, aux autres la puissance de me nnuire ; si j'ai su tour à tour, et suivant mes goûts mobiles, attacher à ma suite ou rejeter loin de moi 'Ces Tyrans détrônés devenus mes esclaves' ; si, au milieu de ces révolutions fréquentes, ma réputation s'est pourtant conservée pire ; n'avez-vous pas dû en conclure que, née pour venger mon sexe et maîtriser le vôtre, j'avais su me créer des moyens inconnus jusqu'à moi ?"
La marquise de Merteuil au vicomte de Valmont Lettre 81

Pour tout dire, ceci est une relecture : j'avais découvert Les liaisons dangereuses - et par la même occasion l'adaptation filmée de Stephen Frears - en classe de première, lors de l'étude du genre épistolaire. Le livre m'avait plu, mais j'y avais trouvé certaines lourdeurs, certaines longueurs. C'est un avis que je réfute aujourd'hui, à présent que cette deuxième lecture est achevée. Ce roman m'est apparu dans toute sa richesse avec sa diversité d'écritures, sa structure complexe, ses personnages charismatiques. Peut-être le fait de le lire à haute voix et en duo a-t-il permis de mettre en lumière ce que j'avais laissé échapper auparavant : lorsqu'on lit tout haut, il s'agit de prendre des intonations, de voir et de comprendre le rythme de chaque phrase, au final de s'approprier le personnage choisi ; cela fait entendre chaque effet de style qui coulent lors de la lecture silencieuse. Ce qui m'a particulièrement impressionnée chez Laclos est justement l'écriture : chaque personnage écrit à sa façon, et chaque écriture reflète le personnage. La marquise de Merteuil garde tout au long du roman son style froid et cynique, dans des lettres émaillées de phrases assassines et de pointes habilement formulées, et cela même quand elle prend de l'humour. Valmont est plus impulsif, orgueilleux -la Merteuil l'est également, mais elle conserve une certaine maîtrise d'elle-même qu'elle ne perd jamais tout à fait - bien plus prompt à s'échauffer également. Cécile a une écriture proprement enfantine particulièrement agaçante, reflet de son ingénuité, écriture qu'elle perd peu à peu, au fil des lettres mais qu'elle reprend sous la dictée de Valmont afin d'appeler à elle son amant. La présidente de Tourvel enfin, personnage qui semble tout droit hérité de Rousseau, a un style plus humble et plus passionné également, tandis qu'elle se laisse aller au babillage amoureux et qu'elle s'empêtre, trop confiante, dans les filets du séducteur.

"Si, par exemple, j'ai eu juste autant d'amour que toi de vertu, et c'est sûrement beaucoup dire, il n'est pas étonnant que l'un ait fini en même temps que l'autre. Ce n'est pas ma faute."
La marquise de Merteuil au vicomte de Valmont Lettre 141

Ce livre, bien que datant du XVIIIème siècle, demeure tout à fait actuel : encore aujourd'hui, il garde un certain parfum de scandale, que ce soit dans la manipulation d'innocentes créatures par des libertins, ou par l'exemple d'émancipation féminine à travers l'image de la Marquise. On me dira ce qu'on voudra mais je continue à croire que même aujourd'hui, ce roman va loin. Dans le libertinage comme dans la perversité, et beaucoup, dans cette société où l'on se prétend de plus en plus libre et détaché d'une morale austère voire religieuse, n'accepteraient pas les principes mis en avant par les personnages. Il y a bien sûr ces complots machiavéliques des deux libertins, cette montreuse de marionnettes qu'est la Merteuil, tenant fermement les fils de chaque personnage et leur faisant exécuter des mouvements à son goût ... Jusqu'à ce qu'un des pantins lui échappe et que les fils lui tombent des mains. Le constat des Liaisons dangereuses semble finalement très pessimiste. Les "méchants" sont punis, par la mort, le déshonneur, mais qu'en est-il des "victimes" ? Fuite, entrée en religion, agonies, les innocentes créatures se retrouvent toutes perdues d'avoir seulement approché les deux "monstres". Morale a priori sévère et pourtant ambigüe : le constat des vices et des dangers du monde ne peut se faire qu'après coup, et la raison ne sert ici qu'aux regrets. La lecture de ce recueil de lettres est absolument jouissive tandis que l'on suit les échanges entre la Merteuil et Valmont ainsi que leurs conquêtes, leurs stratégies, leurs réciproques provocations. Les personnages qui se sont perdus perdent peu à peu la parole à leur tour - la lettre de 161 de Madame de Tourvel, notamment, est un véritable chant du cygne - et les scripteurs qui offrent leurs mots pour clore ce roman sont d'une autre nature : place est laissée aux discours moraux et aux lamentations des personnages directement liés aux victimes.

"Qui pourrait ne pas frémir en songeant aux malheurs que peut causer une seule liaison dangereuse ! et quelles peines ne s'éviterait-on point en y réfléchissant davantage ! Quelle femme ne fuirait pas au premier propos d'un séducteur ? Quelle mère pourrait, sans trembler, voir une autre personne qu'elle parler à sa fille ? Mais ces réflexions tardives n'arrivent jamais qu'après l'évènement ; et l'une des plus importantes vérités, comme aussi peut-être des plus généralement reconnues, reste étouffée et sans usage dans le tourbillon de nos mœurs inconséquentes. Adieu, ma chère et digne amie ; j'éprouve en ce moment que notre raison, déjà si insuffisante pour prévenir nos malheurs, l'est encore davantage pour nous en consoler."
Madame de Volanges à Madame de Rosemonde, lettre 175.

Libertinage, scènes où plane un certain érotisme, jeux de pouvoirs, manipulations, ce recueil, quelque peu sulfureux mais jamais vulgaire, est une œuvre subtile et riche ; l'ordre même des lettres semble avoir été réfléchi, mettant en valeur les disparités de ton et de style entre les personnages. Il joue également avec les points de vue et nous présente, comme par jeu, le même évènement vécu et/ou analysé par plusieurs personnes, créant une connivence avec le lecteur.

"Ah ! Qu'elle se rende mais qu'elle combatte : que, sans avoir la force de vaincre, elle ait celle de résister ; qu'elle savoure à loisir le sentiment de sa faiblesse, et soit contrainte d'avouer sa défaite. Laissons le Braconnier obscur tuer à l'affût le cerf qu'il a surpris ; le vrai Chasseur doit le forcer. Ce projet est sublime, n'est-ce pas ?"
Le vicomte de Valmont à la marquise de Merteuil, lettre 23.

J'arrêterai là en ce qui concerne ce livre, qui représente pour moi un véritable coup de cœur et garde une place de choix parmi mes œuvres favorites. Afin de donner une certaine idée de l'atmosphère du roman, j'ai choisi de semer au fil des paragraphes diverses citations, afin de vous faire (re)goûter au style des Liaisons. Un vrai plaisir que cette relecture.


Images :
François Boucher - La marquise de Pompadour

François Boucher - Mme de Pompadour
François Boucher - La toilette

Swaps !

Oh cela fait bien un moment que je voulais écrire un tel billet, ce que je n'ai pas fait pour diverses raisons d'ordre technique et temporel. Je m'étais inscrite au Swap "Petit à Petit" voilà quelques mois, bien avant les tracasseries et autres bouleversements. Quand il y a eu l'incendie et qu'il a fallu trouver un autre chez-soi, déménager meubles, bibelots, livres, éparpillés dans un monceau de carton, j'ai hésité un instant, mais n'ai pas rompu cet engagement. Ce que je peux dire, c'est que je ne regrette pas car cela m'a permis de faire connaissance et d'entamer une correspondance avec Aelys. Ce swap avait en effet pour principe de se baser sur un échange assez long afin d'apprendre à découvrir, peu à peu, la personne à qui l'on doit composer un colis. Pas d'autre thème prédéfini, le but étant de correspondre le plus possible aux goûts de sa correspondante. Mais j'avais peut-être déjà défini les règles du jeu à l'époque.




Ainsi ai-je reçu un colis voilà quelques temps. Je suis revenue de la Poste toute bondissante telle une enfant devant un énorme paquet. Et il y avait de quoi ! Comme vous pouvez le voir sur cette photo - qui n'est pas de moi, avouons-le - le colis que j'ai reçu joue avec la couleur parme. Je me suis tout d'abord empressée de lire le livre de Huysmans qu'Aelys m'avait envoyé, il s'agit pour moi d'une véritable découverte, sans doute un de mes grands coups de cœur de cette année de lecture : il suffit de lire le billet du 6 Février pour s'en assurer. La boîte contenait également une foule de petites choses tout à fait plaisantes : de l'encens dont je raffole, pour se construire un cocon à l'atmosphère douce et tamisée ; un calendrier orné d'orchidées, fleurs que j'apprécie beaucoup sans savoir m'en occuper en vrai ; un pot d'encre Lavande pour écrire des lettres fleuries ; une lotion, une douce éponge de bain et un petit parfum aux odeurs de fruits rouges et aux couleurs du colis ; du chocolat et des infusions car il faut avouer que je suis particulièrement gourmande ; et pour finir une très belle carte ... Il n'y a pas à dire : j'ai été vraiment gâtée ! Une très belle expérience, je "sors" vraiment ravie de cet échange - j'utilise des guillemets car justement, j'espère ne pas en sortir et continuer à correspondre avec cette charmante personne qu'est Aelys. *Sourire*

En parlant de Swaps, dans mes pérégrinations sur le Net, j'en ai découvert un tout jeune encore et dont le thème me semble original et intéressant. Il s'agit d'un Swap littéraire pour ne pas changer, et il sera basé sur le thème du cinéma. Cela contribuera à agrandir encore une pile à lire assez considérable mais qu'importe ... Les inscriptions sont ouvertes et c'est par ici s'il y a des intéressé(e)s.

Image : le colis que j'ai reçu lors du Swap
Musique : Monteverdi - Orpheo, La musica


Voilà quelques années, je suis allée voir le film Billy Elliot avec une amie. Dans la petite salle, quatre personnes tout au plus se disputaient une dizaine de sièges. Je ne me souviens pas bien de cette séance de cinéma -si ce n'est que j'avais bien aimé- mais les dernières images sont restées gravées dans ma mémoire. Billy Elliot, danseur dulte, s'apprête à entrer en scène. Tout de blanc vêtu, pieds nus, une raie noire qui part du front jusqu'au nez. Pour dernière image du film, nous le voyons s'élever dans les airs, prêt à s'envoler. Sur le coup, je me suis demandé de quelle chorégraphie il s'agissait, puis j'ai oublié. Ce n'est que plus tard que j'ai découvert l'existence d'un ballet de Matthew Bourne intitulé Swan Lake, et ce n'est que maintenant que j'ai pu avoir la chance de le découvrir en entier.

Swan Lake, créé en 1995, est une adaptation contemporaine du Lac des cygnes, grand ballet du répertoire classique. Il reprend à l'oeuvre traditionnelle une partie de son scénario et de sa structure, adaptant le conte au monde d'aujourd'hui. Le prince Siegfried est très attaché à sa mère, femme belle et puissante. Lui, il est timide, rêveur, il apparaît faible et lâche aux yeux de la reine qui aimerait voir en lui son digne successeur. Le jeune homme se crée alors l'image d'un cygne, homme-danseur et oiseau-lys, danse avec les créatures blanches dans un parc en pleine nuit. Entre rêve et réalité, duperie et fantasmes personnels, les danseurs errent dans le grand parc bleu tour à tour gracieux et menaçants, à mi-chemin entre l'homme et l'animal. Le ballet mêle habilement tour parodique, éléments comiques et instants touchants et spectaculaires. Les ambiances changent et se succèdent au fil des actes, au travers de jeux d'échos.

La première surprise de cette création est que les cygnes sont interprétés par des hommes, alors que les rôles étaient initialement prévus pour des ballerines en tutu. C'est l'occasion de créer de nouveau à partir de la partition de Tchaïkovski, soudainement remise en valeur : le chorégraphe a joué avec l'emphase de la musique, avec la douceur, la mélancolie voire l'angoisse qu'expriment certains morceaux. La partition nous apparaît alors dans toute sa beauté, toute sa puissance, tout son décalage aussi, entre classicisme et modernité. A l'image de la danse qui l'orne. Pour ce nouveau Swan Lake, le terme de ballet pantomime est tout à fait approprié : le théâtre, les regards, la gestuelle occupent une place très importante tout au long du spectacle, parfois au détriment de la danse pure, mais cela permet un spectacle accessible même aux néophytes et donne une vision claire des situations problématiques de l'histoire. Malgré cela, il serait à mon sens abusif de dire que la danse est mise de côté. L'acte des cygnes, acte blanc, nous montre de la danse et rien que de la danse. Esthétiquement très beau, assez surprenant car là aussi, il y a jeu sur les différents tons, nous y voyons les danseurs évoluer autour du prince qui se mêle à leur groupe, tente de s'élever aussi haut qu'eux, de tendre les bras quand ils déploient les ailes.

Après avoir vu ce ballet par l'intermédiaire d'un petit écran de télévision, je me suis précipitée sur le Web afin de recueillir les diverses impressions des autres internautes. N'en déplaise aux puristes qui déplorent les coups portés à la danse classique traditionnelle ou le manque de chorégraphies pures dénuées de leur dimension théâtrale, je dois dire que ce ballet m'a bouleversée. Notamment l'acte blanc et le dernier acte où apparaissent les cygnes, attirants et répugnants aux yeux du prince, oiseaux assez drôles dans leur démarche qui se révèlent rapidement inquiétants et féroces. Le ballet présente tout un panel d'ambiances différentes, à travers les chorégraphies elles-mêmes, les costumes mais aussi les éclairages et la musique de Tchaïkovski. Poétique, drôle, surprenant et peut-être un peu iconoclaste, c'est donc pour moi un véritable coup de cœur que cette version moderne du Lac des cygnes, que je me ferais un plaisir de voir si une tournée était organisée de nouveau ...

En prolongement direct de cette note, je vous invite à lire deux articles du blog Bidulbuk que je tiens depuis peu avec mon ami :



Musique : Monteverdi - Orpheo, Choeur des esprits
Images : Billy Elliot
Photo tirée de Swan Lake de M. Bourne.

J'ai été taguée deux fois de suite ces derniers temps : me voilà donc "victime" de cette chaîne qui circule de blogs en blogs de la part d'Aelys et de Madame Charlotte. A mon tour de m'y coller.


Bref rappel :
  • Écrire le lien de la personne qui nous a tagué
  • Préciser le règlement sur son blog
  • Mentionner six choses sans importance sur soi
  • Taguer six autres personnes en mettant leur lien
  • Prévenir ces personnes sur leur blog respectif
  1. J'ai deux bosses sur les doigts de la main droite car je tiens mon stylo de manière très bizarre : une sur la première phalange du pouce, l'autre sur le côté de l'annulaire.
  2. Je suis tout bonnement incapable d'écrire sans faire de tâches sur mes mains, je me mets toujours du crayon partout. Cela est vrai depuis toute petite et dès que je sortais de l'école, en primaire, les mains toute barbouillées, on ne pouvait ignorer que ce jour-là, il y avait coloriage !
  3. Je suis quelqu'un d'assez maladroit dans pas mal de circonstances. Il m'arrive très souvent de tomber, de me retrouver par terre, de glisser, de me cogner à tout ce qui bouge et ne bouge pas.
  4. Je suis également très tête en l'air et oublie très vite ce que je peux avoir à faire. Je note donc très scrupuleusement le moindre évènement dans un petit agenda à la couverture rouge, acheté depuis peu et uniquement destiné à cet effet.
  5. Alors que je n'ai, en général, pas trop de difficultés à retenir les choses, je n'ai aucune mémoire des chiffres et ai longtemps connu de gros problèmes avec les mathématiques. J'espère à présent en être débarassée ! Je ne me souviens jamais des dates ni des numéros de salles, fait de fréquentes erreurs dans les horaires et ne me souviens pas très bien de mes tables de multiplications.
  6. Pour sortir un peu de registre de mes maladresses, je suis complètement dingue du chat qui vit chez moi. Il s'agit d'une boule de poils tout à fait inoffensive, molle, au pelage doux et aux immenses yeux écarquillés. Je ne peux résister à son regard de hibou et lui pardonne ses plus grosses bêtises. Je ne peux m'empêcher de la prendre dans mes bras, de la caresser, de la câliner tellement elle est jolie et attendrissante. En règle générale, je suis d'ailleurs très attirée par les chats et espère plus tard, quand j'aurais un chez-moi, en avoir un.
Eh bien voilà, pour ce qui est des personnes à taguer, j'éditerai cela plus tard, il me faut d'abord partir en quête de "victimes" et cela demande un peu de temps. Je profite de ce billet pour annoncer très prochainement une note sur le ballet contemporain de Matthew Bourne : Swan Lake que j'ai découvert avec plaisir il y a peu.

Tagués : Mon collègue de chez Bidulbuk, ...
Image : Rassenfosse - Le masque rose

Voilà que je reprends mon programme du challenge ABC avec cette lecture, heureuse surprise de la part d'Aelys à l'occasion d'un Swap. Le livre entre les mains, je m'étais alors promis de commencer par celui-là, et je ne le regrette pas ...

A rebours est un ouvrage étrange et assez déstabilisant au premier aspect. La couverture offre aux regards un tableau d'Odilon Redon, Les yeux clos, baigné de teintes douces, entre gris-parme et marron clair. Une notice nous présente le personnage principal - ou le personnage, tout simplement - en donnant quelques éléments de généalogie, des bouts d'enfance expédiés ça et là, et enfin donne l'image que notre héros garde du monde : un tableau amer et méprisant. Après un repas de deuil artificiel et surprenant, comme un rite de passage, il s'enferme dans sa demeure de Fontenay, coupé du monde, se créant des univers, cherchant les plaisirs les plus raffinés, s'enfermant lui-même dans l'art et la littérature. Des Esseintes est un personnage en quête d'absolu, qui cherche à fuir un réel malaise qu'il ne parvient pas à expliquer, malaise qui se matérialise physiquement en lui à grand renforts de vertiges et autres nausées. Chaque chapitre se tourne alors vers un des moyens de fuite, un des points de fuite du personnage : couleurs des tapisseries, bibliothèque, joaillerie, musique, parfumerie. Des Esseintes court partout après la lumière de l'art, se constituant chez lui un musée imaginaire, nourri de ses goûts et de ses idéaux, refusant les sages classiques pour se tourner vers les poètes décadents, les allumés du verbe, les belles maladresses. On ne peut pas dire qu'il se passe grand chose, concrètement, dans ce roman. Le héros revit sa vie à rebours, chaque expérience esthétique ou physique donnant lieu à un déferlement de pensées sans suite et de souvenirs, plus ou moins obsédants. Dans son mal-être, Des Esseintes revit un pénible épisode chez un dentiste de quartier, retrace les esquisses de ses premières "amours". On le suit, tant bien que mal, dans ces pérégrinations de l'esprit et de la mémoire, au fil des rêves, des énumérations érudites, des jugements péremptoires, des angoisses, des souvenirs à effacer..

Cet ouvrage est un véritable florilège, compilant de nombreux morceaux de bravoure, empli d'errances , de langueurs et de soliloques. Des Esseintes cherche à se fabriquer de toutes pièces une retraite à son image, lui permettant de fixer son attention sur de belles choses, et de fuir ce mal-être qui le hante. Seulement, par l'empiètement des arts sur les autres, cette construction réintroduit la dispersion et le doute au sein même de cet univers où le héros cherche à se retrouver. Le personnage jongle adroitement avec les arts et le plaisir qu'ils lui procurent, fait copier des poèmes de Baudelaire à la manière d'un manuscrit religieux, compose ou récrée des symphonies par ses mélanges d'alcool, cherche avec angoisse à accorder au mieux les différentes couleurs de l'appartement. Roman synesthésique (où les perceptions sensorielles ne cessent de se mêler et de s'entremêler), roman de l'errance et de la névrose, A rebours semble déjà relever du stream of consciousness.

A rebours, à travers son écriture, très poétique, très imagée, au vocabulaire recherché et surprenant, constitue un éloge de l'artifice et de la création. Le personnage qui s'est réfugié dans l'art propose une vision de la création esthétique qui correspond en grande partie à l'écriture même du livre. L'image du maquillage et du déguisement y sont par ailleurs prépondérantes, avec plusieurs occurrences de la figure du pierrot, figure pathétique et grotesque, que l'on retrouve souvent dans les œuvres décadentes. Certaines descriptions sont ici tout à fait étonnantes, dans leur recours aux images et dans leur façon d'utiliser la langue, m'évoquant bien plus un tableau impressionniste, voire un tableau fauve qu'un véritable paysage.
" Rétrécie par l'ombre tombée des collines, la plaine paraissait, à son milieu, poudrée de farine d'amidon et enduite de blanc cold-cream ; dans l'air tiède, éventant les herbes décolorées et distillant de bas arfums d'épices, les arbres frottés de craie par la lune, ébouriffaient de pâles feuillages et dédoublaient leurs troncs dont les ombres barraient de raies noires le sol en plâtre sur lequel des caillasses scintillaient ainsi que des éclats d'assiette. En raison de son maquillage et de son air factice, ce paysage ne déplaisait pas à Des Esseintes."

Misanthrope fini, personnage hanté par un questionnement incessant, le héros que nous suivons est pathétique et ridicule à la fois. Dans un élan soudain, il fait tous les préparatifs nécessaires à un long voyage à l'étranger mais considère avoir vu ce qu'il voulait de l'Angleterre en buvant dans un bistrot peuplé d'anglais rue d'Amsterdam. C'est d'ailleurs l'occasion d'une description assez burlesque où je n'ai pu m'empêcher d'imaginer des anglais à tête de peintures d'Arcimboldo, les mots plus ou moins rattachés au légume étant assez nombreux dans le passage. On est souvent porté à sourire devant les excès de ce bonhomme étrange qui fait dorer et sertir de pierres la carapace de sa tortue pour l'assortir à son tapis et se ronge les ongles d'angoisse pour trouver les coloris appropriés pour les pierreries. Il ne nous en fait pas moins frissonner lorsqu'il se lance dans des réflexions désabusées sur le monde alentours : " Quelle singulière époque, se disait des Esseintes, que celle qui, tout en invoquant les intérêts de l'humanité, cherche à perfectionner les anesthésiques pour supprimer la souffrance physique et prépare, en même temps, de tels stimulants pour aggraver la douleur morale ! " La fin du roman m'a paru arriver assez vite, finalement, j'ai été même surprise par cette conclusion en appel, ce cri d'angoisse en suspens, cet ultime appel à Dieu, nouvel absolu, face à un avenir plus qu'incertain.

Cette écriture poétique, imagée, faisant sans cesse appel aux différents sens, cette
écriture descriptive et très visuelle m'a beaucoup plu ; ce livre m'a tour à tour amusée et transportée. Ce fut pour moi une réelle découverte de lecture, si bien que je ne parviens pas à cesser d'en parler. Cependant, une fois l'appareil critique terminé, ce billet publié, j'espère avoir assez "digéré" cet ouvrage pour en commencer un autre, tout à fait différent, qui attends sur ma bibliothèque. Il faut croire que j'entre dans une phase de boulimie de lecture ... Pour terminer cette note, je n'ai plus qu'une chose à dire : merci Aelys pour cette découverte.

Deux extraits du roman sur son blog : L'orgue à bouche et Une danseuse.

Images :
Esquisse de Gustave Moreau
Bocklin - La forêt
Odilon Redon - Le silence

Dernière page de carnet

Pour une LAL et PAL à jour, direction mon profil Goodreads.


Petit aperçu en images :






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On me dira peut-être que je manque d'imagination : j'avais déjà cité du Laforgue en "Poème du mois". Mais il faut dire que sa poésie me touche particulièrement et que plus je le découvre, plus je m'y attache. Déclencheur d'impressions ; mélange des registres de langue, entre mots rares et tournures familières ; complaintes diverses où se mêlent le rire sarcastique et un pessimisme latent ; personnages anonymes et décadents, pierrots blancs et faces lunaires.




Complainte des crépuscules célibataires

C'est l'existence des passants...
Oh ! tant d'histoires personnelles !...
Qu'amèrement intéressant
De se navrer de leur kyrielle !

Ils s'en vont flairés d'obscurs chiens,
Ou portent des paquets, ou flânent...
Ah ! sont-ils assez quotidiens,
Tueurs de temps et monomanes,

Et lorgneurs d'or comme de strass
Aux quotidiennes devantures ! ...
La vitrine allume son gaz,
Toujours de nouvelles figures ...

Oh ! que tout m'est accidentel !
Oh ! j'ai-t-y l'âme perpétuelle !...
Hélas, dans ce cas, rien de tel
Que de pleurer une infidèle !...

Mais qu'ai-je donc laissé là-bas,
Rien. Eh ! voilà mon grand reproche !
Ô culte d'un Dieu qui n'est pas
Quand feras-tu taire tes cloches !...

Je vague depuis le matin,
En proie à des loisirs coupables,
Epiant quelque grand destin
Dans l'œil de mes douces semblables

Oh ! rien qu'un lâche point d'arrêt
Dans mon destin qui se dévide !...
Un amour pour moi tout exprès
En un chez nous de chrysalide !...

Un simple cœur, et des regards
Purs de tout esprit de conquête,
Je suis si exténué d'art !
Me répéter, oh ! mal de tête !...

Va, et les gouttières de l'ennui !
Ça goutte, goutte sur ma nuque...
Ça claque, claque à petit bruit...
Oh ! ça claquera jusque... jusque ?...





Image : Caillebotte - Boulevard des Italiens
& Rue de Paris par temps de pluie

Musique : René Aubry - Frénésie

(Attention, ce qui suit peut révéler des éléments de l'intrigue.)

Cela fait bien longtemps que j'avais en tête d'écrire cette note. La précipitation des derniers jours de vacances et de la semaine d'examens a remis cela à plus tard. A présent, je prends enfin la plume, les idées plus embrouillées qu'auparavant, mais avec la volonté de développer davantage ce que j'avais déjà dit sur cet ouvrage. Ainsi ce billet cumulera deux aspects : point de vue général sur le roman, et impressions propres à ce deuxième volume.




Le deuxième tome de La Nouvelle Héloïse apporte de nouveaux éléments qui permettent de nuancer la portée du premier. En effet, les deux parties du roman sont infiniment différentes et constituent presque, chacune de leur côté, deux œuvres à part entière. Aux lettres passionnées de jeunes amants cherchant toujours à se retrouver sans y parvenir, se succèdent des correspondances sous couvert de la raison et qui décrivent la vie d'une famille rangée. Saint-Preux est reçu à Clarens chez Julie, devenue Madame de Wolmar, il retrouve celle qui fut autrefois son amante ainsi que l'inséparable cousine, Claire d'Orbe. Le jeune homme découvre alors la vie réglée et pieuse de Julie et de la maisonnée. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si les passions étaient toutes éteintes, et si, au fond du cœur de chacun, ne couvaient pas des sentiments qui échappent, parfois, et font craindre les pires dangers. L'ambiance qui règne tout au long de cet ouvrage est tout à fait étrange et, bien que Saint-Preux nous décrive, par le biais de lettres à Milord Edouard, un foyer tranquille, idéal et n'ayant pas subi toutes les corruptions de la société, l'on ne peut s'empêcher de ressentir un certain malaise qui plane, perceptible, au dessus des personnages.

Qui sont-ils, d'ailleurs, ces personnages ? Rousseau dira : "Point de gens parfaits : voilà la chimère. Une jeune fille offensant la vertu qu'elle aime, et ramenée au devoir par l'horreur d'un plus grand crime ; une amie trop facile, punie enfin par son propre cœur de l'excès de son indulgence ; un jeune homme honnête et sensible, plein de faiblesse et de beaux discours ; un vieux Gentilhomme entêté de sa noblesse, sacrifiant tout à l'opinion ; un Anglais généreux et brave, toujours passionné par sagesse, toujours raisonnant sans raison ..." Wolmar lui-même, raisonnable et lucide sur les hommes, est un athée et se révèle abusé par une trop grande confiance en son jugement. Personnages simples et humains, chacun doté de sa faiblesse, placés dans un cadre idyllique, se fiant à leur raison et à leur idéal moral. Malgré cela, intérieurement, ils se déchirent, les sourires de façade et les exaltations du bonheur dissimulent des plaies mal refermées et en ouvrent parfois de nouvelles. Cette deuxième partie de La Nouvelle Héloïse, plus sage en apparence, me semble aussi plus sombre, comme si l'auteur voulait clore sur une ombre afin de limiter la portée de son idéal et de montrer que, peut-être, la vérité n'est pas exactement là. Les dernières pages de ce livre sont lugubres et les dernières lettres se terminent sans nous apprendre si les personnages se relèveront du drame final, s'ils sauront dépasser une figure presque écrasante et aller de l'avant. Va savoir ...

Le livre illustre également des éléments de la pensée de Rousseau, à travers de grandes lettres-dissertations décrivant la vie à Clarens, l'organisation sociale de la maison, le rapport aux domestiques, l'éducation des enfants, la charité, le rapport à la religion, tout cela dans le refus du luxe, de l'artificiel et du superflu. Certaines sont assez fastidieuses, selon le sujet ou la façon dont elles sont traitées. D'autres sont plus habilement menées, notamment quand elles utilisent le dialogue entre les personnages, procédé qui permet au lecteur de suivre l'échange avec davantage de curiosité, voire de s'y impliquer. Indirectement, l'ouvrage exprime également l'amour de l'auteur pour son pays natal, dont les habitants apparaissent plus simples et plus vrais. Se déroulant en majeure partie dans une petite société de campagne, le roman construit en effet un petit monde à part, isolé de tout, en opposition avec la vie mondaine. " N : Qu'apprend-on dans la petite sphère de deux ou trois Amants ou Amis toujours occupés d'eux-seuls ?" Rousseau répondra : "On apprend à aimer l'humanité. Dans les grandes sociétés, on n'apprend qu'à haïr les hommes."

Il serait bien trop ambitieux d'essayer de proposer un discours exhaustif à propos de ce roman qui est une œuvre majeure de l'époque et qui comptera de nombreux échos dans la littérature. A part quelques passages non dénués de longueurs, ce fut un plaisir pour moi de redécouvrir cette œuvre riche et multiple, de m'attacher à ses personnages, à son écriture, d'en ressentir l'ambiance, enfin d'y voir la pensée qui y est plus ou moins directement rattachée. Je n'irai pas plus loin, mes souvenirs sont déjà trop confus, et je ne saurais comment rajouter les éléments qui me viennent en tête. Je préfère inviter à la découverte de ce roman à deux visages.

Parenthèse : L'image.

J'ai cherché plusieurs types d'illustrations afin d'accompagner cet article. Après avoir hésité du côté d'une gravure d'époque (comme je l'ai fait pour la première partie de cette note), ou du côté de Fragonard (qui est, d'ailleurs, l'illustration de couverture de mon édition), je me suis décidée pour Watteau. Il m'a paru convenir à La Nouvelle Héloïse, malgré l'apparence un peu austère que revêt peu à peu le roman et l'atmosphère galante des tableaux du peintre. Le titre de cette œuvre, Les deux cousines, m'avait tout d'abord interpelé. Il représente bien, à mon sens, l'ambiguïté des sentiments au sein du trio Julie-Saint Preux-Claire où amour et amitié s'entremêlent. Saint-Preux aime Julie, Saint-Preux aime Claire en tant que cousine et pendant de Julie ; Claire aime follement sa cousine et tombe amoureuse de Saint-Preux sans détacher de lui la figure de sa cousine. Julie, au centre de tout, éprouve finalement deux amitiés fortes, aux limites mal définies, et, craignant ses propres sentiments, aimeraient bien voir les deux jeunes gens unis sous ses yeux.
Dans ce tableau,c'est le personnage de dos que je trouve tout à fait intéressant. Rêveuse, cette jeune fille contemple l'horizon tandis que les amoureux badinent ; son visage demeure invisible. J'aime y voir la figure de Claire, mal à l'aise avec ses sentiments, ne sachant trouver sa place à côté de l'aura de Julie. Son expression à jamais dérobée.


Image : Watteau - Les deux cousines
Musique : René Aubry - Salento

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