J'avais initialement choisi, pour la lettre N du challenge ABC, un texte de Nodier : Smarra. Simplement, celui-ci s'est vite révélé introuvable (à part une toute petite édition en ligne sur Gallica, assez pénible à lire). Je me suis alors tournée vers une nouvelle de Gérard de Nerval, auteur que je ne connais pas du tout du tout, en portant mon dévolu sur Aurélia.
On y découvre le récit d'un voyage onirique où le songe ne cesse de contaminer le réel, d'égarer par ses illusions le poète errant. Dans cette nouvelle se succèdent les instant de lucidité où notre narrateur s'interroge sur la signification de ces visions et les moments de pur délire, où l'on poursuit une ombre avec lui, hors de tous repères - chronologiques, géographiques, etc.
"Le Rêve est une seconde vie. Je n'ai pu percer sans frémir ces portes d'ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible. Les premiers instants du sommeil sont l'image de la mort ; un engourdissement nébuleux saisit notre pensée, et nous ne pouvons déterminer l'instant précis où le 'moi', sous une autre forme, continue l'œuvre de l'existence. C'est un souterrain vague qui s'éclaire peu à peu, et où se dégagent de l'ombre et de la nuit de pâles figures gravement immobiles qui habitent le séjour des limbes. Puis le tableau se forme, une clarté nouvelle illumine et fait jouer ces apparitions bizarres ; - le monde des Esprits s'ouvre pour nous."
Cette courte nouvelle, à l'évolution pour le moins mystérieuse, se pose comme une réflexion sur ce qu'est le rêve. Au début de son récit, et à sa conclusion, Nerval tente de trouver le lien qui unit le songe au réel, le premier n'étant selon lui qu'un reflet troublé et grimaçant du second. Aurélia est donc présentée comme l'exploration par le poète des tréfonds de son âme. Entreprise aux multiples dangers car autour du rêve plane la démence. En effet, la traversée de cet autre monde est jalonnée d'épreuves et de visions effrayantes ; le voyage s'apparente finalement à une Nekuia, une lente et laborieuse descente aux enfers sans que l'on distingue toujours, dans les brumes du rêve, la porte de sortie. Au dernier paragraphe, pourtant, le narrateur émerge de ses brouillards : ayant suivi un fil d'Ariane invisible, il est sauvé . A côté de lui pourtant, un homme demeure persuadé qu'il est mort et qu'il se trouve au Purgatoire ; ses yeux sont éternellement clos : tout le monde n'a pas la chance de sortir de ses propres illusions ...
Cette quête folle, tout au long de la nouvelle, passe par la poursuite d'une femme, d'un souvenir de femme. Aurélia est morte, son souvenir hante sans cesse les rêves du narrateur, mais elle n'y est souvent présente que sous la forme d'une ombre, d'un fantôme, d'une ressemblance. Son prénom quant à lui se perd, au fil de la nouvelle. Titre du texte, il disparait progressivement et s'intègre dans un conglomérat de visions : Aurélia, les femmes aimées, la figure maternelle, la déesse Isis, les divinités féminines.
Œuvre catharsique qu'il tenait beaucoup à écrire afin d'extérioriser son ressenti, Aurélia est la dernière nouvelle - inachevée - de Gérard de Nerval. On le retrouvera pendu dans une ruelle sordide en Janvier 1855. Aurélia est une œuvre étrange baignée de folie, où le rêve est bien souvent cauchemar et où ce que l'on poursuit s'estompe de plus en plus jusqu'à disparaitre. Très personnel et peut-être un peu gênant parfois, ce texte aux multiples références surprend à chaque page. Gérard de Nerval réalise dans cette nouvelle un tour de force : réussir à décrire par introspection les méandres de son intériorité, entremêler réalité et fantasme par le biais de l'écriture littéraire.
On y découvre le récit d'un voyage onirique où le songe ne cesse de contaminer le réel, d'égarer par ses illusions le poète errant. Dans cette nouvelle se succèdent les instant de lucidité où notre narrateur s'interroge sur la signification de ces visions et les moments de pur délire, où l'on poursuit une ombre avec lui, hors de tous repères - chronologiques, géographiques, etc.
"Le Rêve est une seconde vie. Je n'ai pu percer sans frémir ces portes d'ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible. Les premiers instants du sommeil sont l'image de la mort ; un engourdissement nébuleux saisit notre pensée, et nous ne pouvons déterminer l'instant précis où le 'moi', sous une autre forme, continue l'œuvre de l'existence. C'est un souterrain vague qui s'éclaire peu à peu, et où se dégagent de l'ombre et de la nuit de pâles figures gravement immobiles qui habitent le séjour des limbes. Puis le tableau se forme, une clarté nouvelle illumine et fait jouer ces apparitions bizarres ; - le monde des Esprits s'ouvre pour nous."
Cette courte nouvelle, à l'évolution pour le moins mystérieuse, se pose comme une réflexion sur ce qu'est le rêve. Au début de son récit, et à sa conclusion, Nerval tente de trouver le lien qui unit le songe au réel, le premier n'étant selon lui qu'un reflet troublé et grimaçant du second. Aurélia est donc présentée comme l'exploration par le poète des tréfonds de son âme. Entreprise aux multiples dangers car autour du rêve plane la démence. En effet, la traversée de cet autre monde est jalonnée d'épreuves et de visions effrayantes ; le voyage s'apparente finalement à une Nekuia, une lente et laborieuse descente aux enfers sans que l'on distingue toujours, dans les brumes du rêve, la porte de sortie. Au dernier paragraphe, pourtant, le narrateur émerge de ses brouillards : ayant suivi un fil d'Ariane invisible, il est sauvé . A côté de lui pourtant, un homme demeure persuadé qu'il est mort et qu'il se trouve au Purgatoire ; ses yeux sont éternellement clos : tout le monde n'a pas la chance de sortir de ses propres illusions ...
Cette quête folle, tout au long de la nouvelle, passe par la poursuite d'une femme, d'un souvenir de femme. Aurélia est morte, son souvenir hante sans cesse les rêves du narrateur, mais elle n'y est souvent présente que sous la forme d'une ombre, d'un fantôme, d'une ressemblance. Son prénom quant à lui se perd, au fil de la nouvelle. Titre du texte, il disparait progressivement et s'intègre dans un conglomérat de visions : Aurélia, les femmes aimées, la figure maternelle, la déesse Isis, les divinités féminines.
Œuvre catharsique qu'il tenait beaucoup à écrire afin d'extérioriser son ressenti, Aurélia est la dernière nouvelle - inachevée - de Gérard de Nerval. On le retrouvera pendu dans une ruelle sordide en Janvier 1855. Aurélia est une œuvre étrange baignée de folie, où le rêve est bien souvent cauchemar et où ce que l'on poursuit s'estompe de plus en plus jusqu'à disparaitre. Très personnel et peut-être un peu gênant parfois, ce texte aux multiples références surprend à chaque page. Gérard de Nerval réalise dans cette nouvelle un tour de force : réussir à décrire par introspection les méandres de son intériorité, entremêler réalité et fantasme par le biais de l'écriture littéraire.
Image : littlemewhatever on Deviantart
Libellés : Challenge ABC 2008, Lecture
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Je songe depuis longtemps à lire Aurélia, après avoir largement apprécié Sylvie. Ton billet et tes impressions m'intriguent... Même si je ne suis pas sûre d'apprécier autant ce second texte, je vais l'ajouter à ma LAL...
Anonyme a dit…
vendredi, 06 juin, 2008
Ton billets est intéressant avec la petite objection que tu oublies ou omets de parler d'un autre aspect fondamental qu'est la confrontation, cohabitation, coexistence, avec son Double avec qui ses relations changent au long du récit.
See yaa
PS : la Nekuia c'est l'invocation des morts qui précède la catabase c'est-à-dire la descente que tu mentionnes ;)
Anonyme a dit…
lundi, 10 mai, 2010