[S']Dring dring !

Eh bien, me voilà revenue ! Le déménagement s'est plutôt bien passé, et les piles de cartons ne s'entassent plus tout à fait jusqu'au plafond. Et si je suis là, c'est que la connexion est arrivée. J'en profite donc pour déposer quelques mots à propos d'un court roman de Stendhal, terminé il y a quelques jours.

Que dire d'Armance, roman de Stendhal publié en 1827 ? Tout d'abord qu'il s'agit d'une œuvre obscure, reposant sur un secret : un secret qu'on ne manque pas de découvrir en lisant les quelques pages consacrée à ce roman, qu'elles soient virtuelles ou non. Cette réponse au secret, cette première clé du roman, je l'ai donc découverte durant ma lecture - il était difficile d'y échapper. Mais quand j'ai lu ça et là que l'intérêt premier de ce livre résidait justement dans cet unique mystère et qu'il disparaissait une fois le secret découvert, je n'ai pas été d'accord ... Tout simplement parce que coller sur le personnage l'étiquette d'"Impuissance" ne suffit pas tout à fait à rendre intelligibles son attitude et ses états d'âme. Ce n'est pourtant pas ce que laisse entendre une lettre à Mérimée datée du 23 Décembre 1826 qui suit de très le roman dans mon édition. Mais je reprendrais à ce propos un mot de la préface sur cette lettre et qui me semble pertinent :

"Stendhal y ramène son livre à un problème physiologique. Seulement, voilà, avec Stendhal, il faut se méfier. La seule façon sérieuse de le prendre, c'est de ne pas prendre au sérieux tout ce qu'il dit."

Autant d'éléments qui viennent confirmer que le mot d'impuissance, de problème physiologique et sexuel n'épuisent en aucun cas la richesse du texte. Ce qui est intéressant chez Octave de Malivert, c'est son trouble intérieur, sa volonté de se cacher et d'échapper aux regards, son désir de déguisement. Au delà de tout ça, c'est surtout son rapport à la connaissance et à la philosophie. Jeune homme solitaire et étranger au monde qui l'entoure, il décide de se tourner vers l'étude de soi et l'introspection. Le problème est qu'il s'y enferme et tourne en rond, sans finalement réussir à se connaitre puisqu'après s'être interdit les jouissances de l'amour, il tombe amoureux - sans presque s'en rendre compte - d'Armance, sa cousine. Malgré les portes fermées à clé, malgré son repli sur lui-même, sa froideur et sa feinte indifférence à l'égard des autres. Pendant un moment, Octave tient bon, refusant de donner d'autre nom que celui d'"amitié" à sa relation avec Armance. Lui, il rêve d'un grand salon désert tapissé de grands miroirs, d'incognito, s'enferme à clé pour lire des journaux. Au final, l'attitude du personnage est plus qu'ambigüe : tout en revendiquant la lecture des matérialistes, en défendant la raison et la logique, Octave demeure impuissant, et dans un sens plus large cette fois-ci. Impuissant à comprendre et à contenir ses passions, qu'il déguise autant qu'il peut et qu'il refuse de nommer ; impuissant à se connaître véritablement, et cela parce qu'il refuse de s'ouvrir. Pourtant, l'espoir était présent, dans le roman, dans la figure d'Armance. Elle est tout à la fois une interlocutrice privilégiée avec qui il est possible, enfin, de bâtir de vrais dialogues, confidente à même de le comprendre ; objet de désir ; repoussoir. Elle peut, elle aussi, représenter autrui avec son regard qui juge ... A la fin du livre, Octave choisira la fuite, plutôt que d'avouer son fatal secret, après bien des doutes et après avoir été abusé par une fausse lettre d'Armance.

Au final, je peux dire que j'apprécie davantage Armance rétrospectivement, maintenant que j'en ai terminé la lecture. En effet, j'ai terminé ce roman - pourtant très court !- assez difficilement. Pourtant, je ne regrette aucunement de l'avoir choisi ; c'est en y réfléchissant ensuite que je lui ai donné un sens. On sent que l'écriture de Stendhal est en pleine mutation : elle me semble en effet plus classique, moins incisive que dans Le Rouge et le Noir ou La Chartreuse de Parme, mais de temps à autres, on voit apparaître des piques, des allusions ou des motifs propres à l'univers stendhalien. Les notes de mon édition apportant des commentaires écrits en marge par l'auteur lui-même, montrent un travail en train de se faire : l'auteur cherche en effet l'obscurité, glisse des allusions codées, joue avec les épigraphes. Seulement, on peut penser que Stendhal, en jonglant avec tous ces procédés, a fini, dans Armance, par être un peu trop mystérieux ... Et le lecteur peut facilement se perdre dans ce récit. Ce fut néanmoins une lecture particulièrement intéressante, ce roman préfigurant par de nombreux éléments les œuvres romanesques majeures du même auteur.
Invitation au décryptage.

Image : NuLux on deviantart
Musique : Satie, Gnossiennes

3 billet(s):

Heureuse de ton retour, tu nous as manqué ! Je vais pouvoir t'envoyer un mail alors ? Ton adresse électronique n'a pas changé ?

mardi, 29 juillet, 2008  

Non non, c'est toujours la même. Dans l'impatience de te lire !
Merci pour ce commentaire, ça fait plaisir. =)

mercredi, 30 juillet, 2008  

Tu rends ce roman tout à fait captivant ! Je me suis dit que je me remettrait à Stendhal plus tard, ce titre sera sur ma liste.
Bonne installation d'après déménagement !

jeudi, 31 juillet, 2008  

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