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Il y a 8 mois
Une éducation libertine, roman de la rentrée littéraire, raconte l'ascension et la chute d'une jeune provincial "asservi par la chair" en plein siècle des Lumières. Le lecteur accompagne le personnage de Gaspard dans la découverte d'un Paris double, où l'air est vicié par les émanations humaines et la saleté du fleuve. L'auteur construit pour cela une atmosphère particulière, essentiellement sensorielle, olfactive : entre les remugles des bâtisses insalubres, les émanations méphitiques du fleuve et l'odeur de crasse et de mort posée sur les habitants, on est parfois tenté de froncer le nez. Et il n'y a pas à dire : les descriptions sont bien menées, le lecteur plonge, patauge dans cet amas de civilisation puante. Non sans un certain plaisir. Pendant ce temps-là, il assiste, impuissant, à la destruction progressive du héros, au fur et à mesure qu'il tente une ascension sociale. Gaspard est finalement brisé et corrompu par le monde qui l'entoure, présenté comme pourri et décadent. La ville, personnifiée, représente une entité malveillante et dangereuse, attirant les êtres dans ses rues sales et tortueuses, baignant de vice quiconque en respire les effluves. Le fleuve même, motif omniprésent dans le récit, n'apparaît que souillé par les présences humaines et les dégorgements de la ville, apparenté à un Styx, charriant cadavres et pulsions inconscientes. Une éducation libertine, sous couvert de représenter un autre XVIIIème que celui que nous connaissons, se pose comme un roman destructeur et nihiliste, miroir de la corruption du monde. Et c'est sous ces augures, par l'intermédiaire de Rousseau, que ce récit déchirant se clôt :
Il est assez étonnant qu'en lisant Une éducation libertine, j'aie pensé à autant d'auteurs : telles lignes m'ont rappelé les écrivains fin-de-siècle, un autre passage faisait explicitement allusion à Süskind, tandis que le destin d'Emma me rappelait malgré moi celui de Nana, l'héroïne de Zola ... Entre les clins d'œil aux romans d'apprentissage, l'application à décrire horreur et pourriture qui rappellent certains aspects de la littérature fin de siècle et les références plus ou moins assumées aux écrivains libertins du XVIIIème, le propos ne se désagrège-t-il pas un peu trop ? J'ai également regretté, au fil de ma lecture, certaines maladresses, certains détails gênants qui m'empêchaient d'adhérer totalement au Paris-XVIIIème que l'auteur cherche à recréer sous nos yeux. Quelques anachronismes, quelques invraisemblances apparaissaient au détour d'une page, et à chaque fois j'interrompais ma lecture en regrettant la phrase, le mot, la déclaration qui avait interrompu une agréable immersion. Comment un pauvre bougre pataugeant chaque jour dans le fleuve peut-il manifester des connaissances mythologiques, déclarant à propos de la Seine : "c'est un Styx" ? Comment un homme qui se réclame des milieux philosophiques et libertins, à la mi XVIIIème siècle, peut-il déclarer que les philosophes de son temps ne s'intéressent qu'à l'âme alors qu'existent, à l'époque, des salons où se développe une pensée matérialiste ?Libellés : Lecture
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Ys a dit... (dimanche, 11 janvier, 2009)
Oui, plus enthousiaste, quoique parfois un peu noyée sous ce style foisonnant, qui veut trop en faire dans le XVIIIe siècle. J'ai trouvé le personnage extrêmement riche, comme on en trouve peu aujourd'hui. C'est vraiment un très bon premier roman à mon avis.
Leiloona a dit... (dimanche, 11 janvier, 2009)
Finalement, ce serait un premier roman prometteur encore rempli de trop nombreuses influences ?
Nebelheim a dit...
Leiloona : Oui, en partie ... Je n'ai peut-être pas été très claire. Je trouve qu'il est toujours beaucoup plus difficile de parler d'un livre qu'on a aimé mais auquel on a trouvé des défauts que d'un livre qu'on a adoré ou détesté.
Ys : J'étais contente de trouver une critique de toi dessus, je n'ai pas vu beaucoup de choses sur ce livre dans les blogs que je fréquente ...
J'avoue sinon ne pas forcément être satisfaite de cette note, qui est peut-être un peu brouillon. Il est sûr que ces temps-ci, j'ai d'autres préoccupations (que je n'ai pas choisies), je n'ai donc pas l'esprit libre ... Merci à vous deux pour ces prompts commentaires.
Aphonsine a dit…
samedi, 24 janvier, 2009
Tu sais que tu viens de m'apprendre de quoi parlait ce livre dont on entend parler de partout depuis des mois ?
Je suis bien embêtée maintenant : le résumé me tente, mais je ne sais pas trop si je vais aimer à en lire ton avis... ;o)
Anonyme a dit…
samedi, 24 janvier, 2009
Lilly : J'avais écrit une réponse à ton commentaire, mais Blogger a décidé de bugguer au moment où je l'ai validée T_T
Je disais donc : personnellement, je t'inviterais sans doute à le lire, parce que je n'aime pas l'idée qu'un de mes billets puisse faire hésiter quelqu'un sur une lecture. En général, quand une œuvre ne m'inspire pas du tout, je passe mon chemin et n'écrit pas dessus, je ne traite au final que ce qui m'intéresse ... Et puis, c'est comme pour "Le moulin sur la Floss" : je fais des réserves, ce qui ne m'empêche pas de trouver la lecture enrichissante, et je suis contente de voir, même si moi je n'ai pas été subjuguée, que d'autres sont tentés et veulent tenter l'expérience.
Merci pour le commentaire, en tout cas ! (et désolée pour le temps de réponse)
Aphonsine a dit…
lundi, 26 janvier, 2009
"Comment un homme qui se réclame des milieux philosophiques et libertins, à la mi XVIIIème siècle, peut-il déclarer que les philosophes de son temps ne s'intéressent qu'à l'âme alors qu'existent, à l'époque, des salons où se développe une pensée matérialiste ?"
Pour appuyer cette remarque, on peut citer, à partir des années 1750, le salon du Baron d'Holbach, où se réunissaient effectivement un certain nombre de philosophes, notamment Diderot, connus pour leur matérialisme et leur athéisme.
De ce salon,l'abbé Morellet, qui y participa, nous dit ceci : " C'est là qu'il fallait entendre la conversation la plus libre, la plus animée et la plus instructive qui fut jamais [...], il n'y a point de hardiesse politique et religieuse qui ne fût là mise en avant et discutée pro et contra, presque toujours avec beaucoup de subtilité et de profondeur. " Morellet, Mémoires, Tome 1.
Glyndŵr a dit…
vendredi, 30 janvier, 2009