Julie ou la Nouvelle Héloïse, 2ème volume.
Publié par Aphonsine aux alentours de dimanche, février 03, 2008(Attention, ce qui suit peut révéler des éléments de l'intrigue.)
Cela fait bien longtemps que j'avais en tête d'écrire cette note. La précipitation des derniers jours de vacances et de la semaine d'examens a remis cela à plus tard. A présent, je prends enfin la plume, les idées plus embrouillées qu'auparavant, mais avec la volonté de développer davantage ce que j'avais déjà dit sur cet ouvrage. Ainsi ce billet cumulera deux aspects : point de vue général sur le roman, et impressions propres à ce deuxième volume.
Le deuxième tome de La Nouvelle Héloïse apporte de nouveaux éléments qui permettent de nuancer la portée du premier. En effet, les deux parties du roman sont infiniment différentes et constituent presque, chacune de leur côté, deux œuvres à part entière. Aux lettres passionnées de jeunes amants cherchant toujours à se retrouver sans y parvenir, se succèdent des correspondances sous couvert de la raison et qui décrivent la vie d'une famille rangée. Saint-Preux est reçu à Clarens chez Julie, devenue Madame de Wolmar, il retrouve celle qui fut autrefois son amante ainsi que l'inséparable cousine, Claire d'Orbe. Le jeune homme découvre alors la vie réglée et pieuse de Julie et de la maisonnée. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si les passions étaient toutes éteintes, et si, au fond du cœur de chacun, ne couvaient pas des sentiments qui échappent, parfois, et font craindre les pires dangers. L'ambiance qui règne tout au long de cet ouvrage est tout à fait étrange et, bien que Saint-Preux nous décrive, par le biais de lettres à Milord Edouard, un foyer tranquille, idéal et n'ayant pas subi toutes les corruptions de la société, l'on ne peut s'empêcher de ressentir un certain malaise qui plane, perceptible, au dessus des personnages.
Qui sont-ils, d'ailleurs, ces personnages ? Rousseau dira : "Point de gens parfaits : voilà la chimère. Une jeune fille offensant la vertu qu'elle aime, et ramenée au devoir par l'horreur d'un plus grand crime ; une amie trop facile, punie enfin par son propre cœur de l'excès de son indulgence ; un jeune homme honnête et sensible, plein de faiblesse et de beaux discours ; un vieux Gentilhomme entêté de sa noblesse, sacrifiant tout à l'opinion ; un Anglais généreux et brave, toujours passionné par sagesse, toujours raisonnant sans raison ..." Wolmar lui-même, raisonnable et lucide sur les hommes, est un athée et se révèle abusé par une trop grande confiance en son jugement. Personnages simples et humains, chacun doté de sa faiblesse, placés dans un cadre idyllique, se fiant à leur raison et à leur idéal moral. Malgré cela, intérieurement, ils se déchirent, les sourires de façade et les exaltations du bonheur dissimulent des plaies mal refermées et en ouvrent parfois de nouvelles. Cette deuxième partie de La Nouvelle Héloïse, plus sage en apparence, me semble aussi plus sombre, comme si l'auteur voulait clore sur une ombre afin de limiter la portée de son idéal et de montrer que, peut-être, la vérité n'est pas exactement là. Les dernières pages de ce livre sont lugubres et les dernières lettres se terminent sans nous apprendre si les personnages se relèveront du drame final, s'ils sauront dépasser une figure presque écrasante et aller de l'avant. Va savoir ...
Le livre illustre également des éléments de la pensée de Rousseau, à travers de grandes lettres-dissertations décrivant la vie à Clarens, l'organisation sociale de la maison, le rapport aux domestiques, l'éducation des enfants, la charité, le rapport à la religion, tout cela dans le refus du luxe, de l'artificiel et du superflu. Certaines sont assez fastidieuses, selon le sujet ou la façon dont elles sont traitées. D'autres sont plus habilement menées, notamment quand elles utilisent le dialogue entre les personnages, procédé qui permet au lecteur de suivre l'échange avec davantage de curiosité, voire de s'y impliquer. Indirectement, l'ouvrage exprime également l'amour de l'auteur pour son pays natal, dont les habitants apparaissent plus simples et plus vrais. Se déroulant en majeure partie dans une petite société de campagne, le roman construit en effet un petit monde à part, isolé de tout, en opposition avec la vie mondaine. " N : Qu'apprend-on dans la petite sphère de deux ou trois Amants ou Amis toujours occupés d'eux-seuls ?" Rousseau répondra : "On apprend à aimer l'humanité. Dans les grandes sociétés, on n'apprend qu'à haïr les hommes."
Il serait bien trop ambitieux d'essayer de proposer un discours exhaustif à propos de ce roman qui est une œuvre majeure de l'époque et qui comptera de nombreux échos dans la littérature. A part quelques passages non dénués de longueurs, ce fut un plaisir pour moi de redécouvrir cette œuvre riche et multiple, de m'attacher à ses personnages, à son écriture, d'en ressentir l'ambiance, enfin d'y voir la pensée qui y est plus ou moins directement rattachée. Je n'irai pas plus loin, mes souvenirs sont déjà trop confus, et je ne saurais comment rajouter les éléments qui me viennent en tête. Je préfère inviter à la découverte de ce roman à deux visages.
Qui sont-ils, d'ailleurs, ces personnages ? Rousseau dira : "Point de gens parfaits : voilà la chimère. Une jeune fille offensant la vertu qu'elle aime, et ramenée au devoir par l'horreur d'un plus grand crime ; une amie trop facile, punie enfin par son propre cœur de l'excès de son indulgence ; un jeune homme honnête et sensible, plein de faiblesse et de beaux discours ; un vieux Gentilhomme entêté de sa noblesse, sacrifiant tout à l'opinion ; un Anglais généreux et brave, toujours passionné par sagesse, toujours raisonnant sans raison ..." Wolmar lui-même, raisonnable et lucide sur les hommes, est un athée et se révèle abusé par une trop grande confiance en son jugement. Personnages simples et humains, chacun doté de sa faiblesse, placés dans un cadre idyllique, se fiant à leur raison et à leur idéal moral. Malgré cela, intérieurement, ils se déchirent, les sourires de façade et les exaltations du bonheur dissimulent des plaies mal refermées et en ouvrent parfois de nouvelles. Cette deuxième partie de La Nouvelle Héloïse, plus sage en apparence, me semble aussi plus sombre, comme si l'auteur voulait clore sur une ombre afin de limiter la portée de son idéal et de montrer que, peut-être, la vérité n'est pas exactement là. Les dernières pages de ce livre sont lugubres et les dernières lettres se terminent sans nous apprendre si les personnages se relèveront du drame final, s'ils sauront dépasser une figure presque écrasante et aller de l'avant. Va savoir ...
Le livre illustre également des éléments de la pensée de Rousseau, à travers de grandes lettres-dissertations décrivant la vie à Clarens, l'organisation sociale de la maison, le rapport aux domestiques, l'éducation des enfants, la charité, le rapport à la religion, tout cela dans le refus du luxe, de l'artificiel et du superflu. Certaines sont assez fastidieuses, selon le sujet ou la façon dont elles sont traitées. D'autres sont plus habilement menées, notamment quand elles utilisent le dialogue entre les personnages, procédé qui permet au lecteur de suivre l'échange avec davantage de curiosité, voire de s'y impliquer. Indirectement, l'ouvrage exprime également l'amour de l'auteur pour son pays natal, dont les habitants apparaissent plus simples et plus vrais. Se déroulant en majeure partie dans une petite société de campagne, le roman construit en effet un petit monde à part, isolé de tout, en opposition avec la vie mondaine. " N : Qu'apprend-on dans la petite sphère de deux ou trois Amants ou Amis toujours occupés d'eux-seuls ?" Rousseau répondra : "On apprend à aimer l'humanité. Dans les grandes sociétés, on n'apprend qu'à haïr les hommes."
Il serait bien trop ambitieux d'essayer de proposer un discours exhaustif à propos de ce roman qui est une œuvre majeure de l'époque et qui comptera de nombreux échos dans la littérature. A part quelques passages non dénués de longueurs, ce fut un plaisir pour moi de redécouvrir cette œuvre riche et multiple, de m'attacher à ses personnages, à son écriture, d'en ressentir l'ambiance, enfin d'y voir la pensée qui y est plus ou moins directement rattachée. Je n'irai pas plus loin, mes souvenirs sont déjà trop confus, et je ne saurais comment rajouter les éléments qui me viennent en tête. Je préfère inviter à la découverte de ce roman à deux visages.
Parenthèse : L'image.
J'ai cherché plusieurs types d'illustrations afin d'accompagner cet article. Après avoir hésité du côté d'une gravure d'époque (comme je l'ai fait pour la première partie de cette note), ou du côté de Fragonard (qui est, d'ailleurs, l'illustration de couverture de mon édition), je me suis décidée pour Watteau. Il m'a paru convenir à La Nouvelle Héloïse, malgré l'apparence un peu austère que revêt peu à peu le roman et l'atmosphère galante des tableaux du peintre. Le titre de cette œuvre, Les deux cousines, m'avait tout d'abord interpelé. Il représente bien, à mon sens, l'ambiguïté des sentiments au sein du trio Julie-Saint Preux-Claire où amour et amitié s'entremêlent. Saint-Preux aime Julie, Saint-Preux aime Claire en tant que cousine et pendant de Julie ; Claire aime follement sa cousine et tombe amoureuse de Saint-Preux sans détacher de lui la figure de sa cousine. Julie, au centre de tout, éprouve finalement deux amitiés fortes, aux limites mal définies, et, craignant ses propres sentiments, aimeraient bien voir les deux jeunes gens unis sous ses yeux.
Dans ce tableau,c'est le personnage de dos que je trouve tout à fait intéressant. Rêveuse, cette jeune fille contemple l'horizon tandis que les amoureux badinent ; son visage demeure invisible. J'aime y voir la figure de Claire, mal à l'aise avec ses sentiments, ne sachant trouver sa place à côté de l'aura de Julie. Son expression à jamais dérobée.
Dans ce tableau,c'est le personnage de dos que je trouve tout à fait intéressant. Rêveuse, cette jeune fille contemple l'horizon tandis que les amoureux badinent ; son visage demeure invisible. J'aime y voir la figure de Claire, mal à l'aise avec ses sentiments, ne sachant trouver sa place à côté de l'aura de Julie. Son expression à jamais dérobée.
Image : Watteau - Les deux cousines
Musique : René Aubry - Salento
Musique : René Aubry - Salento
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Le best seller de l'époque ! C'est un livre très séduisant, j'en avais été surprise moi-même quand je l'avais lu car ce n'était pas vraiment mon style préféré. Si tu as aimé, tu pourrais essayer les Confessions de Rousseau.
Anonyme a dit…
jeudi, 21 février, 2008