Retour aux premières amours
1 billet(s) Publié par Aphonsine aux alentours de jeudi, février 19, 2015S'il est encore quelques nostalgiques qui passent par ici ou ne m'ont pas effacée des flux, j'annonce un nouveau déménagement. J'ai repris un blog de lecture, enrichi de textes personnels, car j'écris également aujourd'hui ! J'ai aussi changé de pseudonyme ; bref, un renouveau !
Par ici pour découvrir la nouvelle bibliothèque d'Alphonsine, et au plaisir de vous y croiser comme autrefois.
Libellés : Digressions
J'attendais que ça ait pris un peu d'envergure - un tout petit peu - avant d'annoncer mon déménagement. Plumes continuera à s'endormir, mais je pars cultiver ailleurs des fleurs de bonne volonté. Cela n'intéressera peut-être pas tout le monde, car ce changement de lieu implique quelques transformations ...
Tout d'abord, je ne souhaite plus seulement parler de mes lectures. Je tiens ce blog en temps de loisirs, et j'ai parfois envie de flâner, de parler films, musiques, expositions ... Évoquer, simplement, ce qui me passe par la tête. J'aimerais aussi livrer des notes légèrement plus personnelles, parce qu'au fond, un blog, c'est fait pour ça, et que l'objectivité, on la feint déjà dans les écrits de cours ... J'ai eu envie, aussi, de me détacher autant que faire se peut des challenges, et autres modes de la blogosphère qui, si elles ont le mérite de faire découvrir de nouvelles choses vers lesquelles on ne serait peut-être pas tourné, peuvent aussi se muer en contraintes, en blocages. Alors voilà, je tente de faire vivre un autre jardin, au rythme lent des saisons plutôt qu'au pas de course des lectures à recenser.
Maintenant que c'est à peu près installé, que les liens ont été organisés sur une page toute exprès ... Je laisse les traces, suivra qui le voudra bien !
A tantôt, diraient mes voisins.
Libellés : Digressions
Je lis toujours. Mais je n'en parle plus beaucoup.
J'écris encore. Mais des écrits de fiction.
Je n'ai pas voulu annoncer des silences, peut-être aurai-je dû.
J'ai laissé des billets en suspens, pensant les terminer, sans jamais y réussir. Pour maintenant, je pense que je vais profiter des vacances qu'il me reste.
Sans dépoussiérer le lieu, pour l'instant.
Et à bientôt, j'espère.
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Un si petit livre, si morcelé, si diversifié, ça ne se lit pas, ça se feuillette. Cela fait déjà quelques temps que j'ai parcouru les pages de cette "anthologie", et j'ai, pour écrire cette note, terminé ce petit recueil.
Plus qu'une anthologie, l'ouvrage proposé par Gilles Guilleron est un florilège. Nous sont proposés de nombreux et courts extraits - prose, dialogues, poèmes -, issus d'époques diverses (du Moyen-Age au début de notre siècle) qui traitent d'amour, chacun à leur façon. L'un des premiers avantages de ce petit livre, c'est sa diversité : les textes qui y sont regroupés touchent tous les genres, toutes les écoles, et des époques très différentes. Il s'agit bien sûr d'un choix, difficile, et si l'on pourra regretter peut-être certaines absences, on ne peut que souligner la volonté d'éclectisme. Et l'on passe, au fil des pages, au fil des textes, du plus classique, du plus connu (poésies de Rimbaud, fameux poème de Louise Labé pour ne citer que ces deux exemples) au plus inconnu (je suis parfois tombée sur des auteurs considérés comme secondaires, et dont je n'avais jamais entendu parler.)
Je ne m'attarderai pas sur le terme d'anthologie, peut-être mal choisi, et pouvant induire en erreur le lecteur, et passerai tout de suite aux interrogations que cet ouvrage a soulevé. Il me semble en effet que par sa sélection, un tel recueil pose la question du sens du mot "érotisme", ou encore celle de la distinction entre l'érotisme et la pornographie. Selon le Trésor de la Langue française, est érotique ce qui provoque le désir amoureux, ce qui traite de l'amour charnel et peut inciter à la volupté. Si l'on prend le mot en ce sens, le contenu de ce recueil pose, peut-être, problème. On me dira que c'est une question de subjectivité. Soit. Mais tous les textes, s'ils traitent d'un seul et même thème, ne le font pas d'une façon semblable et avec les mêmes buts. A la lecture de certains extraits, notamment quand on franchit les bornes du XXème siècle, on peut se dire, à la lecture, que ce n'est pas le désir que certains auteurs ont voulu évoquer. Parfois, ce sera le dégoût, parfois un sentiment amer, parfois le dessin désabusé de la violence humaine. En cela, n'est-ce pas trahir les significations de certains extraits, que de les sortir de leur contexte, et de les présenter comme des textes érotiques ? La question n'est pas simple.
Prenons comme exemple l'extrait de la Religieuse, de Diderot, qui nous est proposé dans ce recueil. Dans cet ouvrage, l'auteur se livre à une satire des couvents, avec une attention portée aux effets, physiques et psychologiques, de l'aliénation sur l'individu, tandis que la préface annexe amène toute une réflexion esthétique, sur le pouvoir de l'illusion. Le texte qui nous est proposé décrit, par l'intermédiaire de Suzanne, une scène amoureuse entre elle et la supérieure. Le texte, remarquablement écrit, méritait une place dans une anthologie du genre. Seulement, en le détachant de son contexte, en ne présentant pas ses spécificités, un tel choix risque de générer des contresens. Diderot, dans cette scène, reprend un topos de la littérature érotique de son temps : le motif de Sapho au couvent. Mais il le détourne : plus qu'une description purement érotique, Diderot énumère, par l'intermédiaire de son innocente héroïne, les symptômes cliniques d'une 'maladie' dont souffre la mère supérieure, victime, elle aussi, de l'enfermement forcé, succombant bientôt à la folie. Enfin, si le choix de ce texte semble légitime, la présentation qui en est faite risque de générer des contresens, et, surtout, empêche d'en comprendre l'enjeu et l'originalité du texte. Dans La Religieuse, Diderot ne se contente pas de reprendre tel quel un motif traditionnel du roman libertin pour écrire lui-même de la littérature érotique. La présentation du texte de Mirbeau pourrait susciter, en ce sens, la même remarque.
J'ai cependant conscience qu'il s'agit d'un ouvrage court et qu'il n'était pas possible de poser, à chaque fois, les spécificités du texte, dans un paragraphe. Cela me semble dommage, car si je lis des anthologies, c'est dans l'espoir de trouver des textes qui m'interpelleront et que j'aurai envie de lire, de parcourir ensuite. Cependant, je serais injuste en terminant sur cette réserve, car l'ouvrage est agréable à lire. Idéal à feuilleter, dans un instant de distraction, alors qu'on n'a pas le temps d'entamer une lecture suivie. Juste le temps de picorer quelques mots avant de s'éclipser ailleurs.
~*~
Pour terminer, je vous proposerai à la lecture un texte de Flaubert (Mémoires d'un fou), que je ne connaissais pas, et qui m'a semblé très beau (bien sage, me direz-vous, par rapport à d'autres extraits, mais il fait partie de ceux qui m'ont vraiment interpelée) :
"Elle me regarda.
Je baissai les yeux et rougis. Quel regard, en effet ! comme elle était belle, cette femme ! je vois encore cette prunelle ardente sous un sourcil noir se fixer sur moi comme un soleil.
Elle était grande, brune, avec de magnifiques cheveux noirs qui lui tombaient en tresse sur les épaules ; son nez était grec, ses yeux brûlants, ses sourcils hauts et admirablement arqués, - sa peau était ardente et comme veloutée avec de l'or ; elle était mince et fine, on voyait des veines d'azur serpenter sur cette gorge brune et pourprée. Joignez à cela un duvet fin qui brunissait sa lèvre supérieure et donnait à sa figure une expression mâle et énergique à faire pâlir les beautés blondes. On aurait pu lui reprocher tromp d'embonpoint ou plutôt un négligé artistique - aussi les femmes en général la trouvaient-elles de mauvais ton. Elle parlait lentement : c'était une voix modulée, musicale et douce. - Elle avait une robe fine de mousseline blanche qui laissait voir les contours moelleux de son bras.
Quand elle se leva pour partir, elle mit une capote blanche avec un seul noeud rose. Elle ne noua d'une main fine et potelée, une de ces mains dont on rêve longtemps et qu'on brûlerait de baisers.
Chaque matin, j'allais la voir se baigner ; je la contemplais de loin sous l'eau, j'enviais la vague molle et paisible qui battait sur ses flancs et couvrait d'écume sa poitrine haletante, je voyais le contour de ses membres sous les vêtements mouillés qui la couvraient, je voyais son coeur battre, sa poitrine se gonfler ; je contemplais machinalement son pied se poser sur le sable, et mon regard restait fixé sur la trace de ses pas, et j'aurais pleuré presque en voyant le flot les effacer lentement.
Et puis quand elle revenait et qu'elle passait près de moi, que j'entendais l'eau tomber de ses habits et le frôlement de sa marche, mon coeur battait avec violence ; je baissais les yeux, le sang me montait à la tête. - J'étouffais. Je sentais ce corps de femme à moitié-nu passer près de moi avec le parfum de la vague. Sourd et aveugle, j'aurais deviné sa présence, car il y avait en moi quelque chose d'intime et de doux qui se noyait en extase et en gracieuses pensées, quand elle passait ainsi.
Je crois voir encore la plage où j'étais fixé sur le rivage ; je vois les vagues accourir de toutes parts, se briser, s'étendre ; je vois la plage festonnée d'écume ; j'entends le bruit des voix confuses des baigneurs parlant entre eux, j'entends le bruit de ses pas, j'entends son haleine quand elle passait près de moi.
J'étais immobile de stupeur comme si la Vénus fût descendue de son piédestal et s'était mise à marcher. C'est que, pour la première fois alors, je sentais mon coeur, je sentais quelque chose de mystique, d'étrange comme un sens nouveau. J'étais baigné de sentiments infinis, tendres ; j'étais bercé d'images vaporeuses, vagues ; j'étais plus grand et plus fier tout à la fois.
J'aimais."
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