Enfin ! Cela fait des semaines que j'en parle à tout va, que je crie ce titre sur les toits de Cambrai, que je le recommande à mes amis et je n'avais pas encore pris le temps d'en parler -ne serait-ce qu'un peu- sur ce blog de lecture. C'est enfin réparé ce soir, puisque j'inaugure mon petit article sur Le journal d'une femme de chambre d'Octave Mirbeau. Livre que j'ai lu dans le cadre d'un exposé à faire pour la licence, ce roman très spécial m'a véritablement marquée ; si bien que j'ai attendu au moins un mois avant de pouvoir l'évoquer ici ...

A travers l'expérience et l'évolution même de Célestine, une jolie femme de chambre qui voyage , un peu malgré elle, de place en place, nous découvrons la France de 1900 : un monde triste dont les piliers s'effondrent, où tous sont pourris jusqu'à la moelle et baignent dans le vice jusqu'au cou. Sous la plume acérée d'Octave Mirbeau, les visages se suivent les uns après les autres, les noms s'estompent assez vite, et tous pourtant, étrangement semblables, rivalisent de bêtise, de perversion ou d'inhumanité - ou des trois à la fois.

"Ah ! ceux qui ne perçoivent, des êtres humains, que l’apparence et que, seules, les formes extérieures éblouissent, ne peuvent pas se douter de ce que le beau monde, de ce que la ‘haute société’ est sale et pourrie … On peut dire d’elle, sans la calomnier, qu’elle ne vit que pour la basse rigolade et pour l’ordure … »
Mirbeau/Célestine

Bourgeois, nobles, militaires, religieux, domestiques, ... tout le monde en prend finalement pour son grade : Octave Mirbeau est un "arracheur de masques". Il nous révèle les dessous des ménages respectables et nous emmène dans les coulisses du grand spectacle social pour nous montrer du doigt les acteurs sans maquillage ni lumière. Et le tableau n'est plus si réjouissant que cela.

Le journal d'une femme de chambre
est d'un pessimisme radical, mais servi par un humour grinçant sans qui il serait sans doute tout à fait insoutenable : avant d'être malfaisants, les figurants de cette fresque au vitriol sont tout d'abord ridicules. Entre le vieillard fétichiste des bottines,
les salons mondains où intellectuels et artistes discutent de psychologie et d'extases mystiques et le capitaine Mauger qui balance des pantoufles dans le jardin de son voisin et se gargarise de manger absolument tout ce qu'il peut trouver -la liste est encore longue -, on ne peut s'empêcher de (sou)rire. Mirbeau joue habilement avec ça, combinant les passages émouvants, révoltants, et les instants de vrai Ridicule où ses pantins font absolument n'importe quoi, rendant ainsi son oeuvre à la fois légère et subversive, drôle et tragique.
Et par cette oeuvre brûlante et démystificatrice, Mirbeau nous donne finalement à voir, dans toute sa vérité,
«cette tristesse et ce comique d’être un homme. Tristesse qui fait rire, comique qui fait pleurer [...] ». Je me répète mais : un coup de cœur.



Pour en savoir plus :

2 billet(s):

Ma lettre avance à petits pas, mais je profite de ce commentaire pour te dire que je possède un exemplaire du Journal d'une femme de chambre et que tu m'as donné très très envie de le découvrir... Je le mets donc tout en haut de ma liste à lire ! Merci pour ce conseil !

vendredi, 04 avril, 2008  

Très tentant, en effet! Je vais voir si je peux mettre la main là-dessus!

vendredi, 04 avril, 2008  

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