Les lectures s'accumulent, et nous voilà fin Décembre. L'année 2009 avance à grands pas. L'heure est donc venue d'amorcer mon Challenge ABC. Première lecture pour la lettre A (et certainement pas la dernière puisque La parodie d'Adamov dort dans mon sac à l'heure présente), voici une courte note à propos de la pièce de Marcel Aymé intitulée La tête des autres.

Sous des dehors de comédie légère et enlevée, cette pièce est une satire mordante du milieu judiciaire, lieu d'expression de toutes les ambitions. Le rideau se lève sur l'arrivée triomphale du procureur Maillard dans sa propre maison. Celui-ci a réalisé un tour de force qui ne sera pas sans répercussions sur sa carrière future : il a obtenu la tête d'un accusé. Le procureur Bertolier, venu pour l'occasion, le félicite : "Dites donc Maillard, c'est votre troisième tête. Pensez-y bien mon cher. Votre troisième tête. A trente-sept ans, c'est joli." Seulement voilà, au théâtre, il se passe toujours des choses improbables ; or il se trouve que l'accusé s'est évadé ... Pour se retrouver chez Maillard.... Où il découvre que la maîtresse de ce dernier(et accessoirement femme de Bertolier) aurait pu lui fournir un alibi et lui éviter ainsi la condamnation capitale ... Car elle avait passé la nuit du crime en sa compagnie ! Rien que ça. De tels ressorts, tout aussi immenses, se multiplient au fil de la pièce.

Le message à l'encontre de la Justice n'en est pas moins mordant. Ne voit-on pas, tout au long de la pièce, des magistrats refuser d'innocenter un homme sous prétexte que cela salirait leur honneur, lui trouver finalement un remplaçant tout prêt et tout aussi innocent, se traîner en tremblant chez celui qui tient tout (gouvernement, économie, justice) entre ses mains sans oser lui demander de livrer le véritable coupable, alors sous ses ordres ? Valorin, l'homme accusé à tort, parangon de la Justice avec une majuscule, aura lui-même une attitude des plus ingrates face à la femme qui l'a soutenu depuis le début de la pièce. En bref, un tableau bien noir de la société française, servi d'un humour léger et plaisant régi en particulier par le comique de situation.

Malgré ça, je reste un peu sur ma faim, et je ne ressens pas le même plaisir que j'ai eu à (re)lire les contes et nouvelles de Marcel Aymé. Il y a un je-ne-sais-quoi qui m'échappe dans cette pièce : peut-être le mélange, difficile à appréhender, entre un thème relativement provocateur et un comique plus boulevardier. Peut-être le fait de ne pas saisir, dans une pièce qui émet directement un avis sur une question de société, quel est le véritable engagement de lauteur. Peut-être aussi le côté un peu trop démonstratif du propos, avec des figures de plus en plus hautes en couleur et des situations de plus en plus extrêmes, pour finalement nous montrer les différentes facettes d'une même chose.
La lecture demeure très agréable sur le moment, mais j'ai l'impression d'avoir un peu survolé le tout, sans trouver suffisamment de points d'accroche pour en retirer quelque chose de conséquent, sur le long terme. En espérant que ma prochaine lecture théâtrale sera un peu plus concluante, car c'est tout ce que j'ai à dire, à propos de La tête des autres ...

Image : Disent on Deviantart

3 billet(s):

Je n'ai jamais lu Marcel Aymé (j'en ai entendu parler dans un livre mais je ne sais plus lequel...) Tu dis que ce sont les contes et nouvelles qui sont le mieux??

samedi, 20 décembre, 2008  

Je passe ici par hasard, et j'ai de la chance, c'est pour tomber sur un (bon) billet qui concerne Marcel Aymé. Un seule remarque me gêne : votre regret sur la difficulté de saisir "quel est le véritable engagement de l'auteur".
Je trouve, au contraire, cela très agréable. Pourquoi vouloir transformer le pamphletiste en militant ?

Pour la visiteuse précédente : je vous recommande tout spécialement les nouvelles des premères années de Marcel Aymé : elles sont plus légères, parfois plus folles.

samedi, 20 décembre, 2008  

Karine : On t'a répondu avant moi ;) Pour ma part, je ne connais pas grand chose de cet auteur, mais j'avoue adorer ses Contes du chat perché ainsi que les nouvelles réunies sous le titre du "Passe Muraille". Je ne sais si ce sont celles des premières années, l'inculte que je suis devrait aller se renseigner !

Georges F. : J'ai mis longtemps à répondre, et je m'en excuse ... Votre remarque est judicieuse, et il faut dire que je ne recherche pas forcément les "messages" dans mes lectures. J'ai par ailleurs hésité un peu quand il a fallu évoquer cette gêne que j'ai ressentie, une fois le livre fermé. J'ai éprouvé beaucoup de plaisir à la lecture, mais je me rends compte qu'aujourd'hui, juste quelques temps après, j'ai déjà oublié beaucoup de choses. Je me suis un peu demandé, je crois : "Pourquoi tout ça ?" C'était une pièce drôle, qui attaquait quelque chose de précis ... Mais ... Cela vient peut-être du fait que je ne connaissais en rien le théâtre de Marcel Aymé, et que je m'attendais peut-être à autre chose, plus léger ou plus mordant. Je ne sais pas trop et cela semble tenir bien plus de ressenti que d'autre chose. Je réponds très mal mais finalement cela traduit assez bien mes doutes par rapport à ce que j'ai lu. Toujours est-il que je vous remercie d'être passé par ici et d'avoir fait cette remarque ! ;)

samedi, 27 décembre, 2008  

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