Swan Lake de Matthew Bourne

Voilà quelques années, je suis allée voir le film Billy Elliot avec une amie. Dans la petite salle, quatre personnes tout au plus se disputaient une dizaine de sièges. Je ne me souviens pas bien de cette séance de cinéma -si ce n'est que j'avais bien aimé- mais les dernières images sont restées gravées dans ma mémoire. Billy Elliot, danseur dulte, s'apprête à entrer en scène. Tout de blanc vêtu, pieds nus, une raie noire qui part du front jusqu'au nez. Pour dernière image du film, nous le voyons s'élever dans les airs, prêt à s'envoler. Sur le coup, je me suis demandé de quelle chorégraphie il s'agissait, puis j'ai oublié. Ce n'est que plus tard que j'ai découvert l'existence d'un ballet de Matthew Bourne intitulé Swan Lake, et ce n'est que maintenant que j'ai pu avoir la chance de le découvrir en entier.

Swan Lake, créé en 1995, est une adaptation contemporaine du Lac des cygnes, grand ballet du répertoire classique. Il reprend à l'oeuvre traditionnelle une partie de son scénario et de sa structure, adaptant le conte au monde d'aujourd'hui. Le prince Siegfried est très attaché à sa mère, femme belle et puissante. Lui, il est timide, rêveur, il apparaît faible et lâche aux yeux de la reine qui aimerait voir en lui son digne successeur. Le jeune homme se crée alors l'image d'un cygne, homme-danseur et oiseau-lys, danse avec les créatures blanches dans un parc en pleine nuit. Entre rêve et réalité, duperie et fantasmes personnels, les danseurs errent dans le grand parc bleu tour à tour gracieux et menaçants, à mi-chemin entre l'homme et l'animal. Le ballet mêle habilement tour parodique, éléments comiques et instants touchants et spectaculaires. Les ambiances changent et se succèdent au fil des actes, au travers de jeux d'échos.

La première surprise de cette création est que les cygnes sont interprétés par des hommes, alors que les rôles étaient initialement prévus pour des ballerines en tutu. C'est l'occasion de créer de nouveau à partir de la partition de Tchaïkovski, soudainement remise en valeur : le chorégraphe a joué avec l'emphase de la musique, avec la douceur, la mélancolie voire l'angoisse qu'expriment certains morceaux. La partition nous apparaît alors dans toute sa beauté, toute sa puissance, tout son décalage aussi, entre classicisme et modernité. A l'image de la danse qui l'orne. Pour ce nouveau Swan Lake, le terme de ballet pantomime est tout à fait approprié : le théâtre, les regards, la gestuelle occupent une place très importante tout au long du spectacle, parfois au détriment de la danse pure, mais cela permet un spectacle accessible même aux néophytes et donne une vision claire des situations problématiques de l'histoire. Malgré cela, il serait à mon sens abusif de dire que la danse est mise de côté. L'acte des cygnes, acte blanc, nous montre de la danse et rien que de la danse. Esthétiquement très beau, assez surprenant car là aussi, il y a jeu sur les différents tons, nous y voyons les danseurs évoluer autour du prince qui se mêle à leur groupe, tente de s'élever aussi haut qu'eux, de tendre les bras quand ils déploient les ailes.

Après avoir vu ce ballet par l'intermédiaire d'un petit écran de télévision, je me suis précipitée sur le Web afin de recueillir les diverses impressions des autres internautes. N'en déplaise aux puristes qui déplorent les coups portés à la danse classique traditionnelle ou le manque de chorégraphies pures dénuées de leur dimension théâtrale, je dois dire que ce ballet m'a bouleversée. Notamment l'acte blanc et le dernier acte où apparaissent les cygnes, attirants et répugnants aux yeux du prince, oiseaux assez drôles dans leur démarche qui se révèlent rapidement inquiétants et féroces. Le ballet présente tout un panel d'ambiances différentes, à travers les chorégraphies elles-mêmes, les costumes mais aussi les éclairages et la musique de Tchaïkovski. Poétique, drôle, surprenant et peut-être un peu iconoclaste, c'est donc pour moi un véritable coup de cœur que cette version moderne du Lac des cygnes, que je me ferais un plaisir de voir si une tournée était organisée de nouveau ...

En prolongement direct de cette note, je vous invite à lire deux articles du blog Bidulbuk que je tiens depuis peu avec mon ami :



Musique : Monteverdi - Orpheo, Choeur des esprits
Images : Billy Elliot
Photo tirée de Swan Lake de M. Bourne.

1 billet(s):

Extraordinaire... la nouvelle chorégraphie nous fait ré-entendre la musique, et les mouvements semblent en jaillir naturellement. Et puis les quatre petits cygnes qui frappent le sol en rythme, la scène du bal, et... et tout le ballet en fait !
En revanche, si tu peux les voir en tournée, fais attention à la distribution : mon cygne n'avait rien d'un Adam Cooper...

lundi, 25 février, 2008  

Article plus récent Article plus ancien Accueil