J'ai fait une bêtise cette nuit. Je me suis offert une nuit blanche pour terminer un roman. Ce n'est vraiment pas raisonnable, mais je me suis laissée prendre au jeu et, complètement immergée dans l'histoire, je n'ai finalement pas su m'arrêter. Billet découverte, pour ce livre émergeant d'un colis-surprise, ouvrage que j'ai ouvert dans un mélange de curiosité et d'appréhension pour finalement ne plus savoir le refermer.


Résumé (et début de la 4ème de couverture) Londres, 1862. A la veille de ses dix-huit ans, Sue Trinder, l'orpheline de Lant Street, le quartier des voleurs et des receleurs, se voit proposer par un élégant, surnommé Gentleman, d'escroquer une riche héritière. Orpheline elle aussi, cette dernière est élevée dans un lugubre manoir par son oncle, collectionneur de livres d'un genre tout particulier. [...] Héritière moderne de Dickens, mais aussi de Sapho et des Libertins, Sarah Waters nous offre une vision clandestine de l'Angleterre victorienne, un envers du décor où les héroïnes, de mariages secrets en amours interdites, ne se conduisent jamais comme on l'attendrait. Un roman décadent et virtuose.Je tiens à dire que ma Swappeuse avait raison, il vaut mieux de ne pas lire la suite de ce résumé, qui en révèle bien trop et ne reflète pas, à mon goût, la véritable teneur du roman. C'est un résumé assez étonnant finalement que nous donne cette quatrième de couverture, révélant des éléments de la fin, et faussant la perception du lecteur ...

J'en viens donc à mon avis concernant ce livre. Inutile de préciser qu'il m'a plue, je n'aurais pas sacrifié mes précieuses heures de sommeil si je n'avais pas été entièrement happée par cet univers. Ce livre fait écho aux classiques de la littérature anglaise du XIXème siècle et aux ressorts dramatiques des romans feuilletons. Miroir à fantasmes, qu'ils soient d'époque ou non (entre l'asile d'aliénées, les exécutions, les mariage clandestin, les trahisons successives et les enfants voleurs du Borough, on se retrouve pris dans un vrai tourbillon scénaristique, aux rebondissements aussi dramatiques qu'inattendus). Oui, j'ai pensé à la passion pour le feuilleton des journaux, à ses titres et ses illustrations évocateurs, sachant aiguilloner la curiosité là où elle est la plus sensible. L'écriture est à la fois simple et élégante, on sent que l'auteur joue et jongle avec des influences diverses, et on plonge à la fois dans un roman d'époque et un ouvrage contemporain. L'ambiance de l'Angleterre victorienne me semble bien restituée, construite pas à pas, à travers de multiples détails, un argot populaire, et permettant des scènes d'intimité entre les personnages d'une rare force. Nous découvrons ce récit par la voix de Sue Trinder (en parties une et trois) avec au centre, comme encadrée, une partie à travers le regard de Maud Lilly. Il s'agit, comme je l'ai dit, d'un roman à rebondissements, où tout se métamorphose, où des secrets enfouis éclatent au grand jour, où finalement chaque élément est une pièce d'un immense puzzle dont l'immensité est finalement révélée, un peu avant la fin. C'est une fin étrange que celle de ce roman, car une fois la vérité révélée, on ressent d'autant plus le poids de la trahison des personnages et de l'ignorance du l'héroïne. On se fait avoir, et on se laisse aller malgré soi à ces ficelles tirées d'une main de maître. Amours interdites, trahisons, révélations, violences et dangers. C'est finalement simple, mais on s'y laisse prendre, parce tout est pensé et décrit minutieusement, dans une illusion de lenteur, alors que chaque élément réapparaît soudain sous la lumière des révélations. Contrairement à ce que laisse croire la quatrième de couverture, l'amour entre les deux jeunes filles n'est pas absolument central dans l'oeuvre, car dépassé par un complot bien plus général. Le sentiment et le désir qu'elles ressentent l'une pour l'autre est certes suggéré mais dissimulé par les intérêts, par la haine et la volonté de vengeance. Oui, ce roman a un côté érotique, esquissé à certains instants à des passages clés du récit, mais ce n'est absolument pas un aspect majeur de l'oeuvre. Je préfère sans doute que beaucoup de choses passent dans le sous-entendu, le non-dit, le désir émanant de la beauté d'un geste ou d'un regard, le cheminement amoureux finalement peu représenté et éclatant soudain au jour, comme ... Une autre de ces révélations qui ponctuent, qui épicent ce roman.

Un moment de lecture agréable et passioné, aux décors d'un autre temps, empli de suspense, de beaux mots, avec des héroïnes hautes en couleur.





Image : Adaptation filmée de l'oeuvre
Musique : Devin Towsend - Hyperdrive (Ziltoïd)

Pierrots I , Jule Laforgue

Ce poème là, je l'ai découvert au lycée, grâce à ma prof de latin. La sonnerie était passée, les affaires de cours avaient déjà disparu au fond du sac, mais en partant, on ne peut s'empêcher de demander ce que contenaient les pochettes de cours sur le bureau. Elle nous a répondu que c'était un groupement de texte pour ses secondes, autour du thème du clown et du Pierrot. Intriguée, car c'est un thème que j'aime, j'ai lu. Il y avait celui de Verlaine, un ou deux autres et ... Celui-là. Je l'ai perdu finalement, oublié le nom de l'auteur, pressée de partir. C'est Internet qui m'a aidée à le retrouver. C'est donc le poème du mois d'Août, en ces grisailles quotidiennes, que j'offre aujourd'hui.

Pierrots, I

C'est, sur un cou qui, raide, émerge
D'une fraise empesée idem,
Une face imberbe au cold-cream,
Un air d'hydrocéphale asperge.

Les yeux sont noyés de l'opium
De l'indulgence universelle,
La bouche clownesque ensorcèle
Comme un singulier géranium.

Bouche qui va du trou sans bonde
Glacialement désopilé,
Au transcendental en-allé
Du souris vain de la Joconde.

Campant leur cône enfariné
Sur le noir serre-tête en soie,
Ils font rire leur patte d'oie
Et froncent en trèfle leur nez.

Ils ont comme chaton de bague
Le scarabée égyptien,
À leur boutonnière fait bien
Le pissenlit des terrains vagues.

Ils vont, se sustentant d'azur !
Et parfois aussi de légumes,
De riz plus blanc que leur costume,
De mandarines et d'oeufs durs.

Ils sont de la secte du Blême,
Ils n'ont rien à voir avec Dieu,
Et sifflent : " Tout est pour le mieux,
" Dans la meilleur' des mi-carême !



Image : Emil Jannings dans L'ange Bleu
Musique : Cinema Strange - Catacomb Kittens

Résumé : Le récit est celui d'une jeune femme, gouvernante de deux orphelins, beaux, sages et adorables. Secrètement amoureuse de son employeur - l'oncle des enfants - , elle lui a promis de ne jamais l'impliquer dans l'éducation des deux petits. Elle part donc pour une grande et vieille maison de campagne, qui se révélera hantée par deux fantômes malveillants, les spectres d'anciens domestiques, sombres, antipathiques et semblant vouloir s'en prendre aux enfants.



Le tour d'écrou est un conte macabre magistralement mené, à l'écriture agréable et détaillée. James parvient sans peine à distiller la peur, subtilement, et finit par disparaître à la fin de l'histoire, en laissant toutes les clés à un lecteur empli de doute. Il s'agit d'un récit ambigu, et l'on ne saura finalement jamais s'il y a bien eu des revenants, ou si tout n'a été que le fruit de l'imagination morbide de la gouvernante. Sans cesse, à la lecture, on oscille entre l'une et l'autre option ; on se prend à soupçonner la trop grande perfection des enfants qui nous apparaissent diaboliques au détour d'une phrase avant de nous reconquérir d'un sourire angélique. On prend parfois ses distances face à l'hystérie et la paranoïa de la gouvernante, avant de frissonner à cause d'une ombre entrevue par la fenêtre. Je me suis laissée prendre au jeu alors que je lisais en pleine nuit, enveloppée des brumes du silence, et complètement absorbée par ce conte terrible. Ce livre m'a rappelé finalement un film que j'avais vu il y a quelques années, Les autres. J'ai cru lire qu’il s'était un peu inspiré de cette histoire. On retrouve cette ambiguïté dévorante, ce sentiment de solitude de la protagoniste face à des phénomènes qui la dépassent et à l'incompréhension des autres personnages. En revanche, la chute est très différente car le film révèle le surnaturel - un surnaturel inattendu, mais il est bien là. Le livre, lui, nous jette cette fin brutale, et nous laisse avec des interrogations et des angoisses plein la tête. C'est un véritable jeu de lumières et d'illusions que cette nouvelle étrange et dérangeante, où les scènes ensoleillées de campagne dissimulent des pendants bien plus sombres et fantasmagoriques.


"Il y a des obscurités accidentelles qu'il faut dissiper [...] Mais il est aussi une obscurité essentielle qui appartient à l'oeuvre en tant que telle. Et celle-là, loin d'être supprimée, doit être goûtée dans son charme trouble. On n'éclaire pas le clair-obscur, ce qui reviendrait à le dissiper, on doit se contenter d'en jouir. L'ambiguïté se joue, dans le Tour d'Ecrou, entre la réalité et l'illusion du surnaturel."
Extrait de Louis Vax, Art et littérature fantastiques.



Musique : Opeth - To Rid The Disease
Image : Travis Smith - Opeth's Artwork

[Le poème du mois]


Pour éviter à ce blog de s'assoupir trop longuement à l'avenir, je me propose d'y déposer un poème différent chaque mois. Ce blog se transformera à l'occasion en écrin-souvenir où je pourrais évoquer une poésie qui compte pour moi. Cela ne m'empêchera pas de continuer mes billets sporadiques à propos de mes lectures ni de parler poésie dans d'autres occasions (découverte d'un recueil, d'un auteur, etc.) Ici, c'est le poème dans son unité, détaché des exposés savants et dans sa plus grande liberté que j'ai envie d'exposer.

A présent, je vais fouiller dans mes cartons, dans mes recueils et - surtout !- dans mes souvenirs, pour vous proposer d'ici peu le poème du mois d'août. A bientôt =)



Musique : Blackfield - 1,000 people
Image :
Museless Shinigami


Résumé pioché sur Internet, juste-comme-ça : Jeanne, dix ans, voyage beaucoup avec son frère aîné Thomas, quatorze ans. Leurs parents, divorcés, vivent chacun d'un côté de l'Atlantique. Un jour qu'ils se rendent en Amérique, le frère et la sœur sont pris dans une tempête inouïe ; leur bateau fait naufrage. Seuls rescapés, Jeanne et Thomas échouent miraculeusement sur une île inconnue. C'est alors qu'ils réalisent qu'ils sont devenus muets, privés de mots : ils ne peuvent plus parler ! Accueillis par Monsieur Henri, un musicien poète et charmeur, ils vont découvrir un territoire magique, où les mots sont des êtres vivants, où ils ont leur ville, leurs maisons, leur mairie et leur… hôpital ! Une promenade à laquelle Jeanne vous convie.

Un petit livre très rapide à lire, tellement que je reste sur ma faim. C'est un petit roman à parfum d'envol, ou devrais-je dire, de survol. Un joli conte certes, qui fait passer un peu l'amour des mots, des locutions rares et oubliées, tout en critiquant l'enseignement du français aujourd'hui, abstrait, incompréhensible et -surtout- froid. Le message véhiculé par ce livre me touche, et me donne envie, comme la Nommeuse, de feuilleter le dictionnaire en prononçant les mots tout haut. L'écriture est simple, épurée, parfois familière. Ça doit être ça, le style me semble un peu poussif, et finalement beaucoup de phrases prometteuses ne me plaisent pas. Je les trouve souvent un peu bancales, maladroites, tristes dans leurs habits de fête. Il me manque quelque chose. À la suite de cette lecture, j'ai pourtant lu les deux autres livres traitant de ce thème : Les chevaliers du subjonctif et La révolte des accents. Au final, je n’adhère pas vraiment parce que j'y pioche la beauté du message sans pour autant vibrer comme j'aurais pu le faire en entendant cette célébration des mots et de la langue. Pour cette ode au français, j'aurais aimé davantage de jeu, davantage d'amour et d’émotion.



Musique : Porcupine Tree - Blackest Eyes

{Si vous n'avez pas lu ce livre, cette note révèle des éléments de l'intrigue, et de trop nombreuses pistes sur la fin du roman. J'avais besoin d'en parler. Toutes mes excuses.}

Je n'écris pas régulièrement, non. J'ai besoin d'attendre, parfois, que les mots viennent, parce qu'on n'a pas toujours quelque chose à dire sur le dernier livre lu. Ma critique de ce roman là attend depuis longtemps, pour tout dire.
C'est un livre qui m'a étonnée par sa violence. Esthétique, morale et psychologique. Emily Brontë nous livre des personnages torturés, ravagés par leur passion et par leurs souffrances. Le non-dit, le regret hantent les protagonistes. Le passé et ses fantômes se font opressant, tout au long de l'oeuvre, et au delà des générations. C'est l'histoire d'une vengeance, celle de Heathcliff, bohémien recueilli par une famille anglaise, une vengeance par delà la mort, par delà les générations. Ce personnage est fascinant par sa puissance, par toute la souffrance et la frustration qui émanent de lui. Méthodiquement, il a brisé un à un chaque être des deux familles, comme si la vengeance était le seul fil qui le retenait à la vie. Il échouera finalement, quand la fille de Catherine ne répètera pas l'erreur de sa mère ; il lâchera prise au bout d'un long combat mené tout au long de sa vie, et mourra. L'atmosphère dans laquelle baigne ce roman est étrange. Malsaine, violente, presque surnaturelle également. La lande anglaise, les bourrasques de vent, les tempêtes semblent exprimer tous ces tourments de l'âme dont souffrent les personnages du livre. Un roman magistral, qui nous tient en haleine jusqu'aux derniers mots -où, très soudainement, après des années et des années d'obscurité, on est à la fois soulagé et ébloui par ce début d'éclaircie - et qui nous plonge violemment dans cette Angleterre reculée du début XIXème siècle, presque hors du monde.


Musique : Marillion - Invisible Man

Biblio-Swap {Journée Sourire}

Je ne poste pas assez régulièrement, même si j'ai lu pas mal depuis le dernier Harry Potter, je ne suis pas quelqu'un de très constant, moi, je papillonne ... Mais là, ce n'est pas d'un livre dont je vais parler. Non, aujourd'hui, c'est une ~Surprise~ qui occupe cette note. Je m'étais inscrite au Swap du forum Bibliofolie (Le lien est en bas à gauche, suivez mon regard ^^), mais quand j'ai reçu un avis de la poste, je n'ai pas tout de suite fait le lien. Alors je suis allée à la poste, nez dehors, jour pluvieux. C'est après un temps d'attente que j'ai reçu le grand colis tout vert, que j'ai pris, à plein bras. Je l'ai serré contre moi, pour ne pas le faire tomber, et je suis sortie sous la pluie, le sourire aux lèvres. Je me suis sentie comme une gamine devant un gros paquet bien emballé.


J'ouvre. Une petite enveloppe rouge, mais je n'ai pas le droit de l'ouvrir avant d'avoir déballé les paquets, alors toute tremblante, je déballe, déballe. Ce fut vraiment une surprise très agréable, avec de très bonnes perspectives de lecture.
Le colis contenait donc :

  • Du bout des doigts, de Sarah Waters. Je ne connais pas du tout, mais le cadre (Angleterre, XIXème siècle) me plaît énormément, et la couverture m'attire. Je trouve le tableau choisi out à fait charmant.
  • Nadja, d'André Breton. Que je me promets de lire depuis une éternité sans jamais l'avoir ramené un jour chez moi, merci.
  • Poèmes choisis de Byron, édition bilingue s'il vous plaît ! Je pourrais donc m'évader dans la beauté des mots originaux tout en ne me heurtant pas à des incompréhensions et autres problèmes de vocabulaire.
  • Mais aussi ... Des caramels au beurre salé, véritablement délicieux ; et un marque-page bucolique et mignon : "Le bonheur de lire". Moi qui apprécie de lire dans un jardin, l'image me touche beaucoup. Enfin, la petite carte dans l'enveloppe rouge mignonne et au toucher-papier tout doux.

A présent, je me dois de reprendre mes lectures, d'écrire sur les mots passés, d'anticiper les lectures futures. Oh, je suis impatiente de commencer les livres que je viens de recevoir et de découvrir. Je lirais tout cela au plus vite promis, et je ne manquerais pas de consigner un petit mot là-dessus. Encore merci =)

Musique : Klaus Nomi - Total Eclipse

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